La morale

Notions mobilisées

Le devoir, la conscience (l’inconscient), la raison, la liberté, la vérité, la nature, la religion, le bonheur, la justice, la technique.

Le problème fondamental

La conscience morale est la conscience d’une responsabilité morale, c’est-à dire la conscience d’une obligation d’agir en vue d’une fin qui transcende l’égoïsme, une autre fin que la satisfaction personnelle (bonheur individuel). Un tel désintéressement est-il possible ? C’est une des questions de la philosophie morale, indissociable de celle de l’origine ou du fondement de la conscience morale : d’où vient la conscience morale ? Qui dit « tu dois » ? Le grand problème, si toutefois on admet l’existence d’une responsabilité morale, est celui des fins morales, c’est-à-dire celui des objets de la responsabilité morale : de quoi ou de qui sommes-nous responsables ? Envers quels êtres avons-nous des devoirs ? C’est en effet à partir de la détermination de ces objets de l’obligation morale que l’on peut définir les orientations morales et politiques de l’action humaine, celles de l’individu et celles de la société.

Deux conditions doivent être remplies pour qu’on puisse parler de la conscience d’une responsabilité morale:

1) Il faut admettre le libre-arbitre de l’homme, c’est-à-dire le pouvoir de la volonté de déterminer le sens de l’action, notamment le pouvoir de lui donner un sens moral en fixant un but moral (désintéressé) à l’action. Le libre-arbitre, pour le dire simplement, est le pouvoir de choisir entre le Bien et le Mal. Il n’y a pas de responsabilité sans libre-arbitre, pas de possibilité de jugement moral (sur soi-même ou sur autrui) sans conscience de la liberté de son vouloir. Le devoir s’oppose au désir, qui est spontané et qui est toujours désir d’être heureux. Agir par devoir suppose la volonté consciente d’agir, éventuellement en contrariant le désir (l’intérêt ou la passion) qui anime spontanément les conduites humaines. Un être moral est un être capable de s’empêcher ou de s’obliger d’agir, donc un être libre au sens du libre-arbitre, capable de déterminer par lui-même les limites de sa liberté d’action. Une philosophie qui n’admet pas le libre-arbitre, qui considère qu’il s’agit d’une illusion de la conscience, peut don difficilement admettre la conscience d’une responsabilité morale ainsi que la possibilité du jugement moral.

2) Il faut admettre une loi morale. La loi morale est ce qui oblige (ou qui interdit). Le devoir suppose une loi qui oblige. Agir par devoir, c’est agir par respect pour une loi. La loi est morale en tant qu’elle n’est pas une loi extérieure (loi de la communauté, de l’Etat), c’est-à-dire en tant qu’elle n’est pas une loi accompagnée par une dimension de contrainte. C’est la loi de la conscience qui fait la responsabilité morale : le sentiment du devoir ou sentiment de responsabilité est certes associé à une dimension de contrainte, mais il s’agit d’une contrainte exercée de soi-même sur soi-même, d’une auto-limitation de la liberté (une limitation qui émane d’une auto-détermination de la volonté). C’est ce sentiment d’une contrainte intérieure qu’on appelle obligation ou devoir. Pour qu’on puisse parler d’une morale universelle (valable pour tous) ou objective, il faut que la loi morale à laquelle la volonté obéit ne soit pas l’expression d’une subjectivité particulière, ni même celle d’une culture ou d’une civilisation universelle. L’humanité peut-elle s’accorder sur une conception commune du Bien et du Mal, sur un critère universellement valable du jugement moral ? Répondre à cette question requiert un questionnement relatif au fondement de la loi morale (Dieu, la raison, la société) ? L’observation de l’histoire humaine et de la diversité culturelle semble plaider pour le relativisme (l’idée selon laquelle un système de valeurs morales est relatif à une culture particulière, voire à une subjectivité particulière), pour l’absence de loi morale universelle. L’universalisme (l’idée qu’il existe une objectivité morale, des valeurs morales qui pourraient être valables pour tous) peut cependant s’appuyer sur un fait aujourd’hui reconnu : l’existence d’une règle morale qui constituerait le dénominateur commun moral de toutes les civilisations, de tous les systèmes de valeur, une règle qu’on a baptisé la règle d’or.

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