Méthode de la dissertation.

Les règles fondamentale pour la rédaction d’une dissertation :

1) La rédaction ne doit comporter aucun titre ni aucune numérotation.

2) Il faut distinguer l’introduction (la présentation du problème) du développement (la réponse argumentée) en sautant une ou deux lignes, éventuellement en consacrant un petit paragraphe à l’annonce du plan.

3) L’introduction doit présenter le thème (de quoi va-t-on parler ?), à l’aide d’une définition; puis montrer que le sens de la question a été compris, au moyen d’une reformulation, voire en formulant plusieurs questions pour bien cerner le sujet; enfin et surtout, il est indispensable de montrer que le problème vient de la possibilité d’apporter à la question posée des réponses contradictoires (qu’il faut annoncer). Ces trois étapes peuvent suffire, mais il est possible d’ajouter une phrase pour indiquer l’enjeu, c’est-à-dire pour souligner l’importance du sujet ainsi qu’une annonce de plan en bonne et due forme.

4) Le plan classique du développement est un plan en trois parties. Dans un premier temps, il faut annoncer, présenter et justifier la thèse, c’est-à-dire le parti pris choisi. Puis il faut soumettre cette thèse à un examen critique, en développant des objections, les raisons de douter: c’est le moment de l’antithèse. Enfin, il faut une synthèse, une réponse aux objections qui intègre leur part de vérité et permette une reformulation nuancée de la thèse.

6) Les parties du développement doivent être séparées par une ou deux phrases de transition. La transition est un petit paragraphe qui prend appui sur la partie qui précède et annonce celle qui suit. Elle a pour fonction de mettre en question (par la formulation d’une question ou/et d’une objection) ce qui vient d’être présenté comme une vérité. La transition est indispensable : elle montre qu’il y a un fil conducteur dans la réflexion (que la problématique n’est pas oubliée en cours de route); elle permet de mettre en scène le doute méthodique, l’esprit critique qui s’interroge, et de présenter des idées contradictoires sans se contredire.

7) Chacune des trois parties, idéalement, doit comprendre trois paragraphes. Le paragraphe conclusif formule une réponse à la question justifiée par les arguments présentés dans les deux premiers paragraphes. Une partie est un raisonnement qui comprend, comme tout raisonnement, des prémisses (ce qui prépare la conclusion) et une conclusion (l’idée forte, la thèse, que l’on tire des prémisses). Les prémisses sont les données solides, indiscutables (ce que tout le monde devrait admettre), qui servent de point d’appui pour tirer la conclusion et donner à celle-ci toutes les apparences de la vérité. Les données sur lesquelles on peut s’appuyer sont soit factuelles (les faits que tout le monde peut observer, constater), soit théoriques (les notions philosophiques élémentaires sur lesquelles toute réflexion peut s’appuyer). Idéalement, il est préférable de partir du fait pour introduire les idées permettant d’éclairer ce fait et de formuler une conclusion.

8) Une conclusion générale est possible, mais facultative. Elle consiste à récapituler le parcours, c’est-à-dire les trois étapes du développement.

Méthodologie

 

Pour commencer, quelques vidéos de conseils méthodologiques, réalisées par de jeunes et excellents collègues :

L’explication de texte

 

Illustration avec cette explication du texte de Cournot, troisième sujet de l’épreuve de philosophie du Bac 2022 pour la voie générale.

Illustration : exemple d’introduction

Le fait est que l’activité qui consiste à déplacer de la matière, si elle est, jusqu’à un certain point, nécessaire à notre existence, n’est certainement pas l’une des fins de la vie humaine. Si c’était le cas, nous devrions penser que n’importe quel terrassier est supérieur à Shakespeare. Deux facteurs nous ont induits en erreur à cet égard. L’un, c’est qu’il faut bien faire en sorte que les pauvres soient contents de leur sort, ce qui a conduit les riches, durant des millénaires, à prêcher la dignité du travail, tout en prenant bien soin eux-mêmes de manquer à ce noble idéal. L’autre est le plaisir nouveau que nous procure la mécanique en nous permettant d’effectuer à la surface de la terre des transformations d’une étonnante ingéniosité. En fait, aucun de ces deux facteurs ne saurait motiver celui qui doit travailler. Si vous lui demandez son opinion sur ce qu’il y a de mieux dans sa vie, il y a peu de chance qu’il vous réponde : « J’aime le travail manuel parce que ça me donne l’impression d’accomplir la tâche la plus noble de l’homme, et aussi parce que j’aime penser aux transformations que l’homme est capable de faire subir à sa planète. C’est vrai que mon corps a besoin de périodes de repos, où il faut que je m’occupe du mieux que je peux, mais je ne suis jamais aussi content que quand vient le matin et que je peux retourner à la besogne qui est la source de mon bonheur. » Je n’ai jamais entendu d’ouvriers parler de la sorte. Ils considèrent, à juste titre, que le travail est un moyen nécessaire pour gagner sa vie, et c’est de leurs heures de loisir qu’ils tirent leur bonheur, tel qu’il est. Bertrand RUSELL, Éloge de l’oisiveté.

Introduction

L’introduction doit au minimum comprendre le thème du texte, la question à laquelle celui-ci répond, ainsi que la thèse du texte, c’est-à-dire la réponse à la question formulée précédemment.

Dans le texte que nous allons expliquer, extrait de Éloge de l’oisiveté, Russell aborde le thème de la valeur du travail, et plus précisément du travail manuel. [thème] La question à laquelle il répond est la suivante : le travail fait-il la dignité et le bonheur de l’homme ? [question qui correspond au problème traité par le texte] Russell défend la thèse selon laquelle le travail n’est qu’un moyen pour gagner sa vie et non une activité désirable en elle-même qui donne sens à la vie. [thèse du texte = réponse à la question]

Idéalement, l’introduction comprend en outre l’enjeu (l’intérêt) de la question traitée le texte ainsi que l’annonce du plan du texte.

Ce texte de Russell présente l’intérêt de mettre en question la conception de la valeur et du sens du travail qui justifie la manière dont la société organise la répartition entre travail et loisir. [présentation de l’enjeu] Dans un premier temps, Russell annonce sa thèse, l’idée selon laquelle le travail manuel n’est pas « l’une des fins de la vie humaine » ; se plaçant dans un deuxième temps du point de vue de ceux qui font l’éloge du travail, il évoque deux arguments qui sont à ses yeux erronés ; dans un troisième et dernier temps, avant une brève conclusion qui précise et reformule la thèse, Russell répond aux arguments en faveur du travail sans les critiquer explicitement, se bornant à utiliser l’ironie, construisant l’improbable discours que le travailleur manuel devrait tenir pour faire l’éloge de son activité. [annonce du plan du texte, qui doit présenter la fonction argumentative et le contenu de chacune des parties du texte distinguées]

La définition des notions

La compréhension des questions de dissertation, des textes, ainsi que des problèmes philosophiques que ceux-ci recouvrent passe par le travail de définition des notions. Une notion philosophique est un mot qui exprime un « concept », c’est-à-dire une idée abstraite qui permet d’évoquer, en sachant précisément de quoi on parle, un aspect tout à fait concret mais complexe de la réalité ou de la condition humaine. Quoiqu’elles nous soient souvent familières, la signification que nous attachons aux notions peut être vague et variable. D’où la nécessité, pour pouvoir construire un discours argumentatif cohérent, de leur donner un sens précis, clairement identifiable, sur lequel il sera possible de s’appuyer. Ce n’est pas toujours simple, d’autant qu’une même notion est susceptible d’être investie de significations différentes.

 

Dissertation : quelques conseils pour éviter le pire

Ses conseils méthodologiques sont approfondis dans ces quelques vidéos consacrées à la présentation de la dissertation, les présupposés d’une question qui commence par Peut-on…?, Faut-il…?, Doit-on…?, ou par Pourquoi…?, l’analyse du sujet, le plan et l’introduction.

Très précieux également ces cinq conseils pour éviter la pire explication de texte.

 

 
L’introduction de dissertation

Pour concevoir une introduction, il faut essayer de comprendre le sens général de la question tout en étant attentif aux notions du programme présentes dans l’énoncé du sujet.

La rédaction de l’introduction doit intégrer trois éléments : 1) l’indication du thème (de quoi va-t-on parler ?) ; 2) la présentation du problème à travers a) la reformulation de la question qui en précise le sens, b) l’introduction des deux points de vue contradictoires qu’il va falloir examiner et faire dialoguer ; 3) l’évocation de l’enjeu (quel est l’intérêt de poser ce problème ?). Eventuellement, on peut ajouter l’annonce du plan, si toutefois on a une claire conscience des étapes du raisonnement que l’on va construire.

Rappel : « problème » signifie qu’il n’existe pas une réponse évidente et incontestable à la question posée. Il faut donc montrer dans l’introduction que si une réponse évidente se présente, celle-ci doit faire l’objet d’un examen critique de manière à pouvoir faire surgir la possibilité d’une réponse alternative.

Exemple

Sujet : Faut-il respecter la nature ?

Introduction – La question porte sur les rapports de l’homme et de la nature et sur l’importance qu’il faut donner à l’engagement en faveur de l’écologie [thème]. La notion de nature désigne ici le tout dont l’homme est une partie : la biosphère est notre écosystème, la maison commune dont toutes les formes de vie dépendent. Le respect de la nature paraît donc commandé par la prudence la plus élémentaire, puisque la vie de l’humanité en dépend. Est-ce toutefois de respect dont il s’agit ? Le respect, au sens moral est inconditionnel : faut-il respecter la nature comme on respecte la personne humaine ou bien simplement comme un bien dont il faut prendre soin parce qu’il nous est utile ? [reformulation de la question, idéalement avec un « ou bien », qui ponctue l’analyse du sens de celle-ci à partir de la définition des notions et qui introduit les termes de l’alternative autour de laquelle il faut installer le débat] L’enjeu de la question est le sens moral et politique qu’il faut donner à l’engagement écologique. La vulnérabilité de la nature résultant du développement scientifique et technique peut conduire à réviser les idées morales les mieux ancrées ainsi que la conception du progrès de la civilisation. [enjeu moral et politique qui justifie la question]

Le plan

Les parties d’un plan sont les étapes d’un raisonnement. Un plan est une stratégie argumentative. Il faut donc pour construire un plan : 1) savoir ce qu’on veut dire, c’est-à-dire avoir pour objectif de justifier une réponse à la question posée, ce qu’on appelle la thèse ou le parti pris; 2) distinguer les deux ou trois étapes de l’argumentation justifiant la réponse privilégiée.

L’exigence principale d’une argumentation est de se confronter à la thèse adverse, ce qu’on appelle l’antithèse. Il faut examiner les arguments en faveur du point de vue qui contredit le parti pris qu’on a choisi. Ce qui implique 1) de les introduire par la formulation d’une question ou d’une objection qui met en cause la thèse; 2) de les présenter sous leur meilleur jour, de manière compréhensive, en faisant valoir leur prétention à la vérité; 3) de les réfuter de manière précise pour préparer l’exposé d’arguments qu’on juge meilleur.

Le plan en deux parties

C’est le plan le plus simple : 1) on commence par répondre à la question en exposant un point de vue qui semble convaincant mais qui est notre antithèse (par rapport au parti pris choisi); 2) un paragraphe de transition introduit une question ou une objection qui fait douter de la pertinence de cette réponse; 3) la deuxième partie développe la réfutation de la première réponse, puis les arguments qui justifient la réponse proposée (la thèse du devoir). Le schéma est donc antithèse/thèse.

Le plan en trois parties

La logique argumentative est la même mais le schéma est un peu plus complexe : il s’agit du fameux plan « dialectique » thèse/antithèse/synthèse. 1) On commence par développer la réponse à la question que l’on croit juste (première partie = thèse); 2) un paragraphe de transition introduit une question ou une objection qui sème le doute ou la perplexité (premier renversement dialectique); 3) on développe une deuxième réponse qui paraît pallier les défauts de la première (deuxième partie = antithèse); 4) un paragraphe de transition introduit une question ou une objection qui fait douter de la pertinence cette deuxième réponse (deuxième renversement dialectique); 5) la troisième partie développe la réfutation de l’antithèse et s’achève par une justification de la thèse qui ajoute un argument (le meilleur, gardé pour la fin) au développement de la première partie tout en apportant des nuances (lesquelles consistent à intégrer les éléments de vérité contenus dans l’antithèse); 6) La conclusion récapitule en quelques lignes les étapes de l’argumentation et formule de manière concise la réponse à laquelle on est parvenu (surtout, on ne conclut pas par une question).

Les deux gros défauts à éviter

1) Défendre une seule idée, un seul point de vue, une seule réponse à la question posée. S’il n’y a pas l’exposé d’une contradiction entre une thèse et une antithèse, il n’y a ni problème ni dialogue, ni donc argumentation, puisque l’argumentation consiste à justifier une thèse en répondant aux objections qu’on pourrait lui adresser.

2) Juxtaposer deux points de vue contradictoires sans construire une argumentation. C’est le défaut le plus fréquent. Il se traduit par le fait qu’en fin de devoir, les deux réponses contradictoires apparaissent équivalentes, de sorte que la conclusion est « chacun sont point de vue » (la pire des conclusions, qui signe l’absence d’argumentation). Deux thèses contradictoires juxtaposées, cela s’appelle une contradiction logique. Or, l’objectif doit être de produire un développement cohérent. La cohérence ne peut être produite que par les paragraphes de transition, lesquels ont pour fonction de souligner l’insuffisance d’un point de vue et la nécessité d’adopter sur la question un autre point de vue. Ainsi il est possible de présenter plusieurs points de vue différents et éventuellement contradictoires tout en progressant vers une réponse complète, nuancée et cohérente.