Définitions à apprendre (TG)

Il faut apprendre ce qui est écrit en gras : les définitions et quelques citations. Les définitions correspondent aux usages philosophiques des notions, lesquelles désignent des objets de la réflexion en philosophie. Ces définitions serviront d’outil pour l’analyse des textes et, surtout, pour l’interprétation du sens des questions de dissertation.

La Nature

La notion de nature désigne une réalité, voire la réalité tout entière. On peut cependant distinguer trois usages de la notion, auxquels correspondent les trois significations différentes qu’on peut lui donner.

1) Le Tout dont l’homme est une partie.

Remarques – 1) En ce sens « nature » s’oppose à « surnature ». La nature désigne la totalité du monde matériel (le monde physique), auquel on peut éventuellement opposer une réalité supranaturelle, métaphysique (une réalité constituée de forces occultes, invisibles, ou située au-delà des limites du monde naturel). Le Dieu du monothéisme, par exemple, se définit par la transcendance, ce qui signifie qu’il est au-delà des limites du monde naturel, hors l’espace et le temps, par-delà le Ciel et la Terre : en tant que Créateur du monde, il est par définition hors du monde, l’être supranaturel par excellence. 2) Nature a pour synonymes univers (ce qui contient tout) ou monde (cosmos en grec, mundus en latin). Lorsqu’on évoque les rapports de l’homme à la Nature, notamment dans le discours de l’écologie, on se limite cependant, par la notion de Nature, à désigner l’écosystème de l’homme, la biosphère, c’est-à-dire le monde de la vie sur Terre : la biodiversité ainsi que les conditions physico-chimiques (l’athmosphère, l’oxygène) dont la vie dépend. Le Tout dont l’homme est une partie désigne de ce point de vue le milieu ou système naturel qui a rendu la vie possible sur Terre et qui apparaît nécessaire à sa conservation.

2) La réalité qui n’est pas fabriquée ou transformée par l’homme : ce qui est donné ou présent avant toute intervention humaine; ce qui est inné (donné ou présent à la naissance) par opposition à l’acquis. La nature en ce sens désigne la réalité qui s’auto-produit par opposition à la réalité produite par l’homme au cours de l’histoire de la civilisation : natura en latin, physis en grec, sont des termes qui dérivent d’un verbe signifiant à la fois naître et croître; ils désignent un processus de production spontané, celui du vivant, qui ne dépend pas de l’homme. La notion de nature, en ce sens, a pour antonymes l’art (l’activité fabricatrice de l’homme) ou la culture (le monde humain en tant qu’il est historiquement produit, produit par l’homme et non par la nature).

3) L’essence d’un être, c’est-à-dire les caractéristiques qui le constituent essentiellement, permettant de l’identifier et de le distinguer des autres êtres. Bien entendu, un être naturel tient sa « nature » du fait qu’il est une partie de la nature, mais il est possible, par extension, de parler de la nature d’un être métaphysique ou imaginaire. La « nature humaine » est un problème philosophique, en raison de la double nature de l’homme, à la fois corps vivant produit par la nature et être « civilisé » construit par la culture, c’est-à-dire produit par la libre activité qui permet à l’humanité de transformer sa condition dans le temps.

La conscience

La conscience est une donnée immédiate de la conscience. Elle est constituée par les données immédiates de la conscience. Cette définition tautologique n’est pas satisfaisante, mais elle indique la difficulté qu’il faut surmonter pour définir la conscience : l’esprit doit se décrire lui-même, sans la distance qui favorise la description de la réalité extérieure. La conscience est un objet d’étude pour la philosophie (toute philosophie est en un sens philosophie de la conscience), pour la psychologie (étymologiquement, l’étude de l’âme) et pour les neurosciences, lesquelles s’efforcent d’expliquer les faits de conscience en étudiant le fonctionnement du cerveau.

La conscience présente trois caractéristiques essentielles : l’immédiateté ; l’intentionnalité (la relation avec autre chose qu’elle-même); l’immatérialité. 1) L’immédiateté. La conscience est présence immédiate à soi sous forme d’intuition (l’intuition est ce qui est présent avant toute connaissance). Un être sans conscience, une pierre, par exemple, n’a pas de présence à soi, de sentiment d’existence. 2) L’intentionnalité. Toute conscience est conscience de quelque chose, en soi ou hors de soi. Elle est par essence l’accès au monde. L’absence de conscience est absence de monde (une pierre n’a pas de monde). La conscience ne se confond donc pas avec le monde intérieur : elle est ouverture sur le monde, le monde extérieur comme le monde intérieur. 3) L’immatérialité. La conscience est activité immatérielle et non pas chose matérielle. La conscience, autrement dit, n’est pas le cerveau, qui est un morceau de matière. La conscience se décrit par des verbes, dont la fonction grammaticale est d’exprimer l’action : sentir, percevoir, imaginer, penser, etc.

On pourrait s’en tenir à deux définitions de la conscience, qui distinguent deux niveaux de conscience, celui qui est à l’évidence commun à l’homme et à nombre d’animaux, et celui qui semble propre à l’homme. Il faut ajouter une troisième définition qui correspond à un usage courant de la notion, notamment en philosophie, et qu’il faut donc pouvoir identifier comme tel : la conscience au sens de la conscience morale.

Définitions :

1) La faculté, propre aux êtres sensibles, de percevoir quelque chose en soi et hors de soi (faculté de sentir et de se sentir).

2) La conscience de soi, c’est-à-dire la faculté, au moyen d’un dédoublement de la conscience propre à l’être qui possède le « Je » dans sa représentation, de penser sa pensée (faculté de se penser). Cette faculté de se regarder penser, de penser sa pensée, de distinguer en soi entre un Moi-sujet et un Moi-objet est celle de la réflexion. Le Moi pensant, que l’on appelle aussi sujet ou subjectivité, se caractérise par le « Je pense » qui accompagne toutes les pensées et qui permet de se représenter les pensées en soi comme les siennes, des pensées dont on est l’auteur. Raison pour laquelle on parle aussi du « Pour soi » de la conscience pour caractériser la conscience de soi du sujet. La conscience de soi est la condition de l’esprit critique et de la volonté. Le doute est un questionnement sur ses propres pensées, ce qui suppose le pouvoir de se mettre à distance de celles-ci pour en faire un objet de pensée. De même, l’examen critique des désirs en soi, la distance vis-à-vis de l’immédiateté de la pulsion, rend possible la formulation d’un « Je veux », qui est l’expression d’une maîtrise consciente du désir.

3) La conscience morale, c’est-à-dire la conscience du devoir, la conscience de la différence entre le Bien et le Mal. La conscience morale désigne la faculté de se représenter une loi morale qui constitue le critère du Bien et du Mal permettant de concevoir la responsabilité morale (la conscience des devoirs) et le jugement moral (l’évaluation morale des intentions et des actions). On parle de conscience morale parce que la connaissance du Bien et du Mal semble être un savoir spontané, une donnée immédiate de la conscience, et non pas le produit de l’instruction (la morale n’est pas une science).

L’inconscient

L’inconscient n’est pas l’inconscience. La notion d’inconscience signifie la simple négation d’une réalité, l’absence de conscience : absence de conscience au sens 1 (le sommeil, l’évanouissement, ce qu’on appelle « perdre connaissance », le coma, ou la mort); ou bien absence de conscience au sens 2 (la conduite irréfléchie, c’est-à-dire l’absence de réflexion, le manque d’attention ou de « présence d’esprit », ou tout simplement l’ignorance d’une réalité qui n’accède pas à la conscience). La notion d’inconscient est utilisée pour désigner une réalité susceptible d’être connue et décrite, en l’occurrence l’activité non consciente de l’esprit. Le terme a été popularisé par Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, mais il est aujourd’hui d’usage courant dans les neurosciences. On rencontre parfois le terme subconscient, qui est une métaphore spatiale : l’idée d’une activité de l’esprit inconsciente, cachée sous l’activité de la conscience.

Définition :

L’inconscient est l’activité non consciente de l’esprit, une force psychique qui échappe à la conscience du Moi pensant et qui fait apparaître la conscience comme un effet de surface.

Remarques – 1) Du point de vue de la conscience, l’activité de la conscience est le tout de l’activité de l’esprit. On utilise la métaphore de l’iceberg pour rendre compte du rapport entre l’inconscient et la conscience : ce qu’on prenait pour le tout n’est qu’une partie, en l’occurrence la partie émergée de l’activité de l’esprit, laquelle est relativisée par une « psychologie des profondeurs » dévoilant l’immense partie immergée de cette activité psychique, cachée au regard de la conscience. 2) Par définition, s’il y a une activité non consciente de l’esprit, celle-ci n’est pas une donnée immédiate de la conscience. Il faut la médiation d’une connaissance pour en prendre conscience. L’inconscient est donc d’abord une hypothèse, susceptible comme toutes les hypothèses d’être discutée, contestée ou prouvée. 3) L’hypothèse de l’inconscient met en question la représentation du sujet (le « Je pense » et le « Je veux » du Moi pensant) comme auteur de ses pensée et de ses décisions : elle fait apparaître comme illusoires la transparence de la conscience à elle-même et la maîtrise de la volonté. C’est le sens de la célèbre formule de Freud : « Le Moi n’est pas maître dans sa propre maison« . 4) Il existe différentes théories de l’inconscient ou divers usages théoriques de la notion d’inconscient. Pour la psychanalyse, qui a pour objet la vie affective, « l’inconscient, c’est le refoulé » (Freud) : l’inconscient est constitué de désirs refoulés, présents et actifs mais non conscients. Dans les neurosciences, l’inconscient désigne l’intelligence inconsciente du corps vivant, c’est-à-dire une activité de l’esprit qui traite de l’information de manière automatique et non consciente, à la manière d’une machine. Dès qu’il y a de la vie, il y a de l’interaction avec l’environnement, donc un traitement de l’information qui permet à l’organisme de s’adapter et qui ne passe pas nécessairement, même chez l’homme, par la conscience (laquelle s’ajoute et se superpose aux mécanismes inconscients de l’intelligence).

Le Temps

Le Temps est une intuition, une donnée immédiate de la conscience. Comme l’espace, il est, écrit Kant, une intuition a priori, puisque l’espace et le temps sont toujours présents quand nous percevons quelque chose, qu’ils définissent en quelque sorte la manière d’apparaître des choses du monde. Tout existant est pour nous dans l’espace et dans le temps : il occupe une partie de l’espace et ne dure qu’un moment dans le temps. L’espace et le temps, écrit encore Kant, sont des « grandeurs infinies données » : une partie de l’espace et une durée ont une grandeur, mais nous sommes incapables de saisir, même par l’imagination, la grandeur de l’espace et celle du temps eux-mêmes : leur grandeur nous apparait infinie, et nous apparait immédiatement comme telle. Le temps se distingue de l’espace par deux caractéristiques, il est unidirectionnel et constitue le cadre de la vie de la conscience. 1) Le temps est unidirectionnel, ce qu’on désigne par l’expression « la flèche du temps », c’est-à-dire qu’il ne permet pas le retour en arrière. Le temps est par essence succéssion irréversible. Une caractéristique qui a été présenté sous la forme d’une métaphore devenue célèbre par un penseur pré-socratique, Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve« . 2) Le temps est le cadre de la vie de la conscience : nos pensées ne sont pas dans l’espace mais elles sont dans le temps. Elles ont, comme les choses extérieures, un commencement, une durée et une fin dans le temps. Une sensation peut apparaître et disparaître instantanément ou s’installer dans la durée. Sensations, perceptions et pensées se succèdent dans notre esprit, l’une chassant l’autre. C’est du reste la raison pour laquelle l’identité est un enjeu : elle se définit par le sentiment de la permanence. L’identité est ce qui résiste au temps.

De même que l’espace nous apparaît immédiatement en trois dimensions (largeur, profondeur et hauteur), le temps nous apparaît immédiatement dans ces trois dimensions que sont le passé, le présent et l’avenir. « Seul le présent existe » (Chrysippe) : la formule signale le fait que le présent se confond avec la présence à soi de la conscience. Le passé est ce qui n’est plus et l’avenir, ce qui n’est pas encore. Le passé n’existe que sous la forme de conscience du passé, ce qu’on appelle la mémoire, qui est la présence du passé. De même l’avenir n’existe que sous la forme de l’anticipation présente de l’avenir, prévision, prévoyance, projet, espérance, prophétie, etc. Le passé et l’avenir, autrement dit, n’existent que sous la forme de projections présentes de la conscience en direction du passé et de l’avenir.

Définitions :

1) Le temps est la manière d’apparaître de toutes choses, en tant que toute existence commence, dure et finit dans le temps.

2) Le temps est, pour une conscience, la distribution de la réalité, notamment de l’existence humaine, en réalité passée (ce qui a été), présente (ce qui est) et future (ce qui sera). Le temps, en ce sens, est la conscience de la différence entre passé, présent et avenir.

Le langage

Le langage est la faculté de communication par signes. Cette définition est toutefois insuffisante, car elle ne permet pas de distinguer le propre du langage humain, à savoir la faculté de créer et d’utiliser une langue, c’est-à-dire un sytème symbolique grâce auquel il est possible de communiquer ses pensées. Les signes sont des formes sensibles (gestes, sons, mais aussi images, lettres et mots) qui servent à représenter quelque chose. Un signe peut toutefois être un simple signal, la représentation d’une information sur un état de chose ou sur un état interne : une alarme signale un incendie, des pleurs signalent une souffrance. Un symbole est plus qu’un signal. Un signe est un symbole quand il représente une pensée, une abstraction : le chiffre « 4 » est le signe qui représente le nombre qui correspond au concept de quatre unités, qui est une pure idéalité susceptible d’être représentée par d’autres signes (le chiffre « IV » ou le mot « quatre » notamment). Pour la science du langage humain, la linguistique, le signe est appelé le signifiant et l’idée, le signifié.

La communication par signes peut donc être un échange de signaux ou bien un échange symbolique, ce qui permet de distinguer deux conceptions et deux définitions du langage. La communication par signaux n’est pas nécessairement consciente (il est possible d’échanger des signaux informatifs avec une machine), à la différence de la communication par symboles, qui exprime des pensées et qui pour cette raison est souvent attribuée à la seule humanité.

Définitions :

1) La faculté d’émettre et de recevoir de l’information sous la forme de signaux. Cette définition désigne un type de langage présent chez la plupart des espèces animales. L’aptitude à produire des signes pour échanger de l’information est innée et associée aux fonctions vitales (survivre et se reproduire).

2) La faculté de produire et d’utiliser un système symbolique qui permet d’échanger des pensées. Remarques : 1) Cette faculté est chez l’homme universelle et naturelle, mais elle se traduit par la formation d’une diversité de langues. On parle une langue, et non pas le langage humain. Une langue est un système symbolique particulier, une forme culturelle produite par l’histoire, susceptible de se transformer et de disparaître dans l’histoire. Le langage est la faculté naturelle et universelle d’apprendre et de parler une langue historique particulière. Le langage est une faculté innée tandis que les langues, créations historiques, se transmettent par l’éducation. 2) L’ensemble de la culture, croyances religieuses, récits historiques ou imaginaires, connaissances scientifiques, arts, est dépendante du langage et de la langue. Le langage est la médiation de la vie de l’esprit, ce qui permet à l’homme de s’évader de la matérialité de l’expérience sensible immédiate pour rendre présent ce qui est absent, exprimer dire le monde et dire le juste. Penser sans les mots est impossible : « Vouloir penser sans les mots est une tentative insensée » (Hegel); « Rien n’est distinct avant l’apparition de la langue » (Ferdinand de Saussure).

La raison

La raison ou rationalité est une faculté qui suppose la conscience de soi et qui s’exprime au moyen d’un système symbolique. Raison pour laquelle il est possible d’affirmer que l’homme est « l’animal rationnel ». Selon la formule d’Aristote, l’homme est « le vivant doué de logos », le logos désignant précisément le langage en tant qu’il est l’instrument de la pensée. Il faut donc distinguer la raison de la simple intelligence (qui peut être inconsciente et mécanique, comme dans le cas de l’intelligence artificielle), définie comme faculté de traiter de l’information.

Définitions :

La raison est la faculté de penser et de connaître, la faculté universelle (présente en tout homme) de se représenter l’universel (les vérités, c’est-à-dire les idées universellement valables).

On distingue la raison théorique, la faculté de penser ce qui est (la réalité), et la raison pratique, la faculté de penser la fin et les moyens de l’action.

La vérité

La notion de vérité désigne l’idéal de la connaissance, c’est-à-dire l’idéal de la raison, qui est la faculté de penser ou de connaître. En ce sens, la vérité a pour antonyme (mot de sens opposé) l’erreur. Les notions de vérité et d’erreur caractérisent une pensée (ce que je pense) ou un énoncé (ce que je dis), soit du point de vue du rapport à la réalité, soit du point de vue logique. Il faut en conséquence donner deux définitions de la vérité.

Définitions :

1) L’accord de la pensée avec son objet. La vérité est l’adéquation au réel. Une proposition qui affirme ou nie une réalité est vraie si elle correspond à la réalité telle qu’elle est.

Exemples : « La Terre est de forme sphérique » est une proposition vraie. La proposition « La Terre est plate » est une erreur, ce qui signifie qu’elle ne correspond pas à la réalité. Remarque : Une proposition est l’énoncé d’une idée (pensée, croyance). Lorsqu’il est question de la réalité, une proposition énonce un jugement de réalité, une affirmation ou une négation qui porte sur un aspect de la réalité.

2) L’accord de la pensée avec elle-même. La vérité est la cohérence logique (la non contradiction). Une proposition vraie, en ce sens, est une proposition cohérente, non contradictoire.

Exemple : « Le cercle est carré » est une proposition autocontradictoire.

Remarques : 1) L’antonyme de la vérité au sens de la cohérence logique est l’erreur logique, la contradiction. 2) Une proposition peut être vraie au sens 2 (cohérente) et fausse au sens 1 (en contradiction avec la réalité); c’est le cas, par exemple, de la proposition « La Terre est plate ». 3) Le critère de la cohérence logique s’applique principalement à un ensemble de propositions (théorie) ou à un enchaînement de propositions (démonstration, argumentation) : la cohérence d’une théorie, d’une démonstration ou d’une argumentation tient au fait que les propositions formulées ne sont pas contradictoires entre elles.

La Science

La science est une pratique culturelle qui a ses institutions et ses professionnels. Ce qu’on appelle la science ne désigne pas n’importe quel savoir. Il existe par exemple un savoir philosophique et un savoir théologique, mais il ne s’agit pas de science. Par ailleurs, il existe des sciences, et non pas une seule science. Une science se définit par son objet (la sociologie par la société, la biologie par le vivant, etc.) et par la méthode adaptée à cet objet. Définir la science, dans le but de pouvoir distinguer science et non science, ou science et pseudo-science, consiste à faire apparaître ce que toutes les sciences ont en commun du point de vue de l’objet et du point de vue de la méthode.

Définitions :

La science est l’étude de la réalité empirique qui a pour but de décrire et d’expliquer les phénomènes en utilisant la méthode expérimentale comme moyen de distinguer l’erreur et la vérité dans les jugements (hypothèses ou théories).

Les phénomènes : les choses du monde telles qu’elles apparaissent à nos sens.

L’expérience : l’accès à la réalité par l’intermédiaire des sens.

La réalité empirique : le monde de l’expérience possible, c’est-à-dire le domaine des faits observables dans l’espace et dans le temps. Empirique signifie ce qui est relatif à l’expérience, et l’expérience désigne l’expérience sensible, la faculté d’accéder à la réalité par l’intermédiaire des sens.

La méthode expérimentale : la méthode qui utilise l’observation comme preuve de l’erreur.

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La religion

La notion de religion désigne un fait historique observable dans les sociétés humaines. Il s’agit donc de définir le fait religieux tel que les historiens, sociologues ou ethnologues s’efforcent de le décrire, de l’expliquer et de le comprendre. Pour établir la définition, il faut tenter d’identifier les caractéristiques essentielles du fait religieux, communes à toutes les religions.

Définition :

Une religion est un système de croyances et de pratiques qui se rapportent au surnaturel et qui unissent une communauté humaine.

Le travail

Le travail est l’activité économique de l’homme. Il faut travailler pour vivre. L’économie est l’organisation sociale de la production des biens nécessaire à la conservation et à l’entretien de la vie, ce qui est une des raisons d’être des sociétés humaines. Le travail est donc au coeur de la condition politique de l’homme : vivre, pour tout individu, exige de travailler pour gagner sa vie, ce qui implique une dépendance vis-à-vis du système social de production à laquelle il est impossible d’échapper.

Sur le plan existentiel, le travail est la part contrainte de la vie : le temps de travail est le temps contraint, que l’on oppose au loisir, le temps libre, c’est-à-dire le temps libre de travail. Pour l’humanité, la société et l’individu, le travail est l’activité imposée par le besoin, c’est-à-dire par la nature. Le travail est une nécessité naturelle. C’est donc par nature que l’homme travaille. La réflexion sur le travail est une réflexion sur le sens et la valeur d’une existence vouée au travail, ou sur le sens et la valeur du travail en tant qu’il constitue une dimension importante et incontournable de l’existence.

Bien entendu, la notion travail peut définir de manière plus générale l’effort du corps ou de l’esprit en vue de réaliser un ouvrage. En ce sens, on peut parler du travail de la femme lors de l’accouchement ou du travail du musicien qui fait ses gammes ou du sportif qui répète un exercice. Cette définition que l’on trouve dans les dictionnaires met en évidence des caractéristiques essentielles du travail valables pour le travail comme activité économique. 1) Le travail est un effort du corps ou de l’esprit, potentiellement pénible, source de souffrance. L’étymologie latine souligne ce lien entre travail et souffrance : trepalium, qui signifie travail en latin, désigne à l’origine un instrument de torture. Dans le texte de la Genèse, la Bible présente le travail comme une punition. Adam, chassé du paradis, où il ne manque de rien, est condamné à travailler pour vivre : « A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain. » 2) Le travail n’est pas une fin en soi mais un simple moyen. La fin est l’œuvre ou l’ouvrage à produire. Au sein de l’économie, de l’organisation sociale du travail, le produit du travail n’est d’ailleurs pas la véritable fin, qui est en réalité le revenu, la rémunération du travail. Le travail n’est donc pas une activité voulue pour elle-même, comme peut l’être le jeu ou toute activité de loisir librement choisie. Le travail est par essence un moyen nécessaire, une activité qui ne peut être choisie qu’en vertu de l’adage « Qui veut la fin veut les moyens ». 3) Le travail est l’emploi du corps ou de l’esprit comme force de production. Cette force est exploitée par soi-même dans la mesure où on choisit librement la fin pour laquelle on travaille. Mais en tant qu’activité économique, la force de production est exploitée par l’organisation sociale de la production dans laquelle le travail s’inscrit. Non seulement le travail est un moyen de production pour le travailleur, mais le travailleur lui-même est un moyen de production pour la société. Comme le souligne Karl Marx, l’histoire de l’économie est une histoire des différentes modalités de l’exploitation de la force de travail : esclavage, servage, salariat. 4) Cet effort du corps ou de l’esprit qui définit le travail est cependant aussi un moyen de cultiver le corps et l’esprit. L’opposition entre le corps et l’esprit, entre travail manuel et travail intellectuel, est d’ailleurs à relativiser. Le travail du corps est toujours médiatisé par l’activité de l’esprit, ce que Marx met également en évidence à travers la métaphore fameuse de l’abeille et de l’architecte : « Ce qui distingue d’emblée le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. » Le travail humain se fonde sur l’activité de l’esprit, réalise une idée. La main de l’homme, qui fabrique et utilise l’outil, est comme le soulignait déjà Aristote l’instrument de la raison.

Cette caractéristique du travail humain fait apparaître celui-ci comme une dimension de la culture, voire comme le moteur de la civilisation. C’est la thèse du matérialisme historique de Marx : la nécessité naturelle du besoin stimule l’ingéniosité humaine, qui est à la racine du développement des techniques, des transformations du mode de production économique et donc de la société, de la politique et de la culture dans tous ses aspects. Le travail est créateur : par le travail l’homme se crée lui-même et transforme la nature. La mise en valeur de cette dimension spirituelle du travail fonde cependant par contraste la critique du travail aliéné au sein de l’organisation sociale du travail : la critique du travail mécanisé, la transformation de l’esclave ou du travailleur à la chaîne en outil vivant, en rouage mécanique d’un système de production.

Définitions :

1) Le travail est l’activité de production des biens nécessaires à la vie. C’est la définition du travail comme activité économique de l’homme. C’est la fin poursuivie, la conservation et l’entretien de la vie, qui définit le travail. Cette définition rappelle l’homme à sa condition animale ou matérielle : il faut bien vivre, c’est-à-dire pourvoir à ses besoins. Les antonymes de la notion de travail sont le loisir (skholè, qui signifie « temps libre » en grec et qui est la racine des mots « école » et « scolaire » en français) et l’oisiveté (ne rien faire). L’oisiveté est dénigrée au nom de la morale, car l’oisif, celui qui ne travail pas, est le parasite ou le passager clandestin de la société, celui qui compte sur les autres pour subvenir à ses besoins. Le loisir est en revanche le temps de l’activité libre. L’existence se partage entre travail et loisir, temps contraint et temps libre, ce qui implique presque inéluctablement la valorisation du loisir, temps des activités librement choisies aux dépends du travail, l’activité contrainte et parfois pénible.

2) Le travail est l’activité par laquelle l’homme cultive ses facultés et contribue ainsi au progrès de la civilisation. Cette définition souligne le rôle civilisateur du travail. Le besoin est l’aiguillon naturel qui contraint l’homme à travailler, ce que à quoi sa paresse naturelle ne l’incline pas. Le travail est bien la condition naturelle de l’homme, mais il est en même temps l’activité qui révèle et stimule son ingéniosité et sa perfectibilité (faculté de se perfectionner). Le développement des moyens de production, la transformation de l’homme et de la nature qui résultent du génie et de l’industrie humaine condamnent les hommes à travailler pour cultiver leurs facultés. L’activité nécessaire à la vie se confond chez l’homme avec la nécessité de travailler pour s’adapter à l’état de l’organisation sociale de la production, c’est-à-dire à un certain état de la civilisation. Il lui faut se mettre au niveau, et le niveau est de plus en plus élevé à mesure que progresent les sciences et les techniques. Kant souligne ce point, dans un texte consacré à l’éducation : « l’homme est le seul animal qui doit travailler« . Le temps de l’école est certes en un sens du « loisir », du temps libéré du travail (la scolarisation requiert l’interdiction par la loi du travail des enfants) mais il s’agit néanmoins d’un temps contraint. Le travail scolaire est le travail de l’enfant. L’enfant doit travailler pour se préparer à intégrer le monde du travail en cultivant des compétences qui ne sont pas innées. Qu’il le veuille ou non, chaque individu est donc contraint, par intérêt bien compris, de participer au progrès de l’humanité.

3) L’effort du corps ou de l’esprit dans l’application d’une tâche en vue de réaliser un ouvrage. Cette définition définit le travail par le caractère de l’activité (« l’effort du corps et de l’esprit ») elle-même davantage que par la fin poursuivie (« réaliser un ouvrage »). Elle vaut pour tous les types d’activité, qu’il s’agisse du travail au sens 1 ou bien d’une activité de loisir.

La Technique

En tant que synonyme du mot art dans son usage ancien (ars, en latin et art en français traduisent le grec tekhnè), la notion de technique désigne ordinairement l’habileté dans la mise en oeuvre des règles et des procédés qui permettent de réaliser un ouvrage ou d’obtenir un résultat. La Technique (avec un T majuscule) peut aujourd’hui désigner plus spécifiquement les caractéristiques modernes de l’activité technique. A l’époque moderne, la technique ne désigne plus l’art au sens traditionnel, le savoir-faire de l’artisan, du cultivateur ou de l’éleveur traditionnels mais la technologie en tant qu’elle est l’oeuvre des ingénieurs, le produit dérivé du développement de la science moderne.

Définitions :

1) L’activité fabricatrice de l’homme, ainsi que le savoir-faire ou habileté de l’homme de l’art.

2) La Technoscience, c’est-à-dire la science appliquée, le pouvoir technique dérivé du progrès scientifique qui est au fondement des révolutions industrielles modernes. La définition vise à spécifier ce qui distingue la technique moderne, à l’âge industriel, des arts ou techniques traditionnels. La différence est d’apparence quantitative, un plus grand pouvoir technique de l’humanité, une accélération du rythme de l’innovation technique, mais en réalité, la différence est qualitative : elle est liée à une transformation du rapport de l’homme à la nature, sur le plan à la fois théorique (l’avènement d’une véritable science de la nature) et pratique (le renversement du rapport de domination entre l’homme et la nature). La science moderne se distingue par le fait qu’elle rend possible le progrès de la connaissance de la nature, donc également celui de la maîtrise et de l’exploitation techniques de la nature. La Technique, au sens de la faculté technique moderne, désigne le nouveau pouvoir technique de l’homme dans la Nature, pouvoir constitué par les innovations technologiques qui naissent du progrès scientifique.

L’Art

En tant que synonyme du mot technique dans son usage ancien (ars, en latin et art en français traduisent le grec tekhnè), la notion d’art désigne ordinairement l’habileté dans la mise en oeuvre des règles et des procédés qui permettent de réaliser un ouvrage ou d’obtenir un résultat. La notion d’Art (avec un A majuscule) désigne aujourd’hui plus spécifiquement l’activité de l’artiste. La question de savoir s’il est légitime de distinguer l’activité de l’artiste des autres arts pourrait se poser : en un sens, l’artiste reste un artisan parmi d’autres, un homme de l’art, c’est-à-dire quelqu’un qui possède une forme d’habileté, de savoir-faire, une maîtrise technique. L’artiste ne se distingue que par la fin (ou finalité) de son activité, la qui ne répond pas à une demande économique. L’oeuvre d’art n’est pas considérée comme une marchandise ordinaire qui vient satisfaire une besoin ou un désir. Même s’il fait de son art un métier, l’artiste n’est pas considéré comme un travailleur ou un producteur. Bien entendu, cela pourrait se discuter, puisque l’économie intègre l’art. Mais la discussion porte précisément sur ce point : ce qui fait essentiellement le sens et la valeur de l’oeuvre d’art et de la pratique artistique. Distinguer l’Art des autres activités productrices suppose de reconnaître le fait que la création artistique est à elle-même sa propre fin, en fonction d’un idéal esthétique qu’il faut définir. L’artiste, autrement dit, est celui crée pour créer, même s’il espère rencontrer un public et pouvoir vivre de son art.

Définitions :

1) L’activité fabricatrice de l’homme, ainsi que le savoir-faire ou habileté de l’homme de l’art. L’art ou la technique désigne l’habileté dans la mise en oeuvre des règles et des procédés qui permettent de réaliser un ouvrage ou d’obtenir un résultat.

2) L’activité créatrice de l’artiste, qui est à elle-même sa propre fin, selon un idéal esthétique. La définition vise à spécifier ce qui distingue l’artiste de l’artisan, l’oeuvre d’art d’un ouvrage quelconque réalisé au moyen d’une technique de fabrication. L’artiste ne produit pas un objet utile, qui répond à une demande pré-existante, à la différence de l’artisan ou de l’ingénieur. Il crée pour créer, en obéissant à la seule logique de la création artistique. Néanmoins, cette activité créatrice et l’oeuvre qu’elle produit ont un sens, donné par un idéal esthétique présent chez l’auteur et chez le spectateur. La réflexion sur l’Art est une réflexion sur l’idéal de l’Art, l’idéal esthétique à partir duquel il est possible de juger la valeur des oeuvres d’Art.

L’État

On distingue deux usages corrélés du mot. Exemple : la France est l’un des 195 États reconnus par l’ONU (sens 1); l’État en France prélève la moitié de la richesse produite par la société (sens 2). Dans le premier sens, l’État désigne un pays, une communauté politique, c’est-à-dire une communauté humaine soumise à une autorité politique souveraine sur une territoire défini par des frontières. Dans le second sens, l’État désigne l’autorité politique elle-même, constituée par le gouvernement, l’administration, l’ensemble des pouvoirs publics d’un pays. La réflexion philosophique à propos de l’État porte sur la nature et la fonction de l’État au sens 2 : l’État en tant qu’il est principalement défini par les lois qui unissent la communauté et le pouvoir souverain qui impose ces lois. L’étude de l’État comprend l’étude des relations de l’État aux autres États, des relations de l’État à la société et aux citoyens (membres de l’État au sens 1) soumis aux lois qu’il édicte.

Définition :

L’État est l’exercice du monopole de la violence légitime sur un territoire donné, c’est-à-dire le pouvoir qui, dans une société, exerce le droit d’utiliser la force pour contraindre le peuple d’obéir aux lois.

Commentaire :

La formule « monopole de la violence légitime » a pour auteur le sociologue Max Weber, qui caractérise ainsi de manière réaliste la condition matérielle de l’existence de l’État : un État ne peut exister que si une force est en mesure d’imposer des frontières et des lois et de se faire accepter par une population dans la durée. La formule souligne notamment la dimension de domination et de violence inhérente à la condition politique de l’homme. L’État, écrit Max Weber, est « un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime. »

L’État est constitué par le pouvoir politique au sens strict (le chef de l’État, le gouvernement et le législateur) ainsi que par l’ensemble des institutions (l’administration, la justice, la police et l’armée) qui forment l’appareil d’État nécessaire pour faire exister, sur un territoire donné, les lois qui unissent une communauté humaine (la population de l’État, c’est-à-dire le peuple). L’essence de l’État est constitué par les lois (le droit), notamment la constitution (la loi fondamentale qui organise l’État) et par le pouvoir (qu’on appelle pour cette raison pouvoir politique) qui est en mesure d’utiliser la force (la police et l’armée) pour soumettre une population et imposer l’obéissance aux lois par la contrainte. Le problème de l’État est donc celui des relations du droit et de la force. Ce n’est que dans la mesure où le droit concrétise, même partiellement, une idéal de justice, que la domination exercée par le pouvoir politique peut apparaître comme légitime, c’est-à-dire justifiée et acceptable par le peuple.

La justice

On peut distinguer trois usages de la notion de justice : 1) au sein des institutions de l’État, la justice désigne l’institution judiciaire, le pouvoir des juges, dont la fonction est de faire respecter les lois de l’État en sanctionnant leur transgression; 2) la notion désigne également une vertu (qualité morale), l’une des quatre vertus cardinales distinguées par les penseurs Grecs (avec le courage, la tempérance et la prudence), la vertu nécessaire au juge, au politique et à tout honnête homme, qui consiste à réaliser un partage objectif, un partage qui fasse abstraction des préférences subjectives, des intérêts et des passions; 3) la conception de la justice comme vertu est indissociable de la conception de la justice comme idéal moral de l’État, le pouvoir politique ayant pour fonction, au moyen des lois qu’il produit et impose à la société, de faire régner la justice, c’est-à-dire d’organiser une société juste.

Il existe un lien entre ces trois usages de la notion de justice, de sorte que l’on peut donner une définition unique de l’idée de justice. Le juge fait partie de l’État, lequel est législateur, c’est-à-dire auteur des lois qui établissent le juste et l’injuste dans une société. En outre, la justice doit pouvoir au premier abord se définir de la même façon qu’elle désigne l’homme juste ou l’État juste.

Définition :

La justice consiste à donner à chacun la part qui lui revient en respectant le principe d’égalité.

Commentaire :

Aristote définissait ainsi le juste et l’injuste : « Le juste est ce qui est conforme à la loi et ce qui respecte l’égalité, et l’injuste ce qui est contraire à la loi et ce qui manque à l’égalité ». Cette définition contient deux idées qui sont indissociables mais qu’il faut cependant distinguer:

1) Le juste est ce qui est conforme à la loi, parce que la loi est ce qui définit le juste et l’injuste dans une société, ce qui implique qu’il est toujours juste de lui obéir et toujours injuste de la transgresser.

2) Le juste est ce qui respecte l’égalité. L’idée de justice se confond avec celle d’égalité. Mais précisément, l’idée d’égalité peut ainsi constituer une critère permettant de juger les lois qui ont pour fonction d’établir l’égalité dans la société. La loi peut donc être injuste, dans sa conception ou dans son application, si elle ne respecte pas le principe d’égalité.

De la notion de justice définie par Aristote, on peut déduire qu’il faut toujours obéir à la loi et qu’il faut peut-être parfois la contester au nom d’un idéal d’égalité supérieur à la loi. Pour exprimer ces deux idées contradictoires d’une justice définie par la loi et d’une justice supérieure à la loi, la tradition philosophique a forgé deux notions de « droit », le droit positif et le droit naturel (du point de vue étymologique, justice et droit sont des synonymes, puisque droit se dit « jus » en latin) : le droit tel qu’il est et le droit tel qu’il devrait être, le fait et l’idéal du droit.

Définitions :

Le droit positif est le droit existant qui définit la légalité, le droit constitué par l’ensemble des lois d’un Etat, dans une société et une époque particulières.

Le droit naturel est l’idéal du droit universellement valable tel que la raison peut le définir et qui définit le critère de la légitimité des lois et du pouvoir politique.

Une conception du droit naturel est une théorie de la justice qui se veut rationnelle et universelle (valable pour tous les hommes, en tout lieu et en tout temps). La légitimité des lois et du pouvoir, c’est-à-dire leur justification et leur acceptation par le peuple, suppose que ces lois et ce pouvoir apparaissent plus ou moins conformes à un idéal de justice. On peut donc considérer qu’une théorie de la justice ou du droit naturel définit les critères de la légitimité du pouvoir politique.

Il existe une diversité de théories de la justice, du fait que l’idée d’égalité qui définit la justice est elle-même complexe en dépit de son apparente simplicité. Le principe d’égalité désigne l’obligation morale de l’égale considération de toutes les personnes. Ce principe se décline cependant en deux principes distincts et potentiellement contradictoires : l’égalité stricte et l’équité.

Définitions :

1) L’égalité stricte est le traitement égal, le traitement identique pour toutes les personnes. Elle exige de donner la même part à tous. Exemples : le partage du gateau d’anniversaire, le principe d’égalité devant la loi, le principe de l’égalité en droits, celui de l’égalité dans l’échange, le principe démocratique du suffrage universel (« un homme, une voix »).

2) L’équité est le traitement différencié en fonction de la différence des situations. Elle exige de donner à chacun une part différente, en respectant un principe d’égalité proportionnelle (donner plus à ceux qui ont moins, ou donner plus à ceux qui méritent plus). Exemples : la distribution des notes par les professeurs, la prime au mérite, l’individualisation des peines par le juge, l’impôt progressif sur le revenu, la discrimination positive.

Le Devoir

Le devoir est l’obligation morale, la conscience d’une exigence morale, de la nécessité morale d’une action commandée par le respect d’une loi. L’obligation se distingue de la contrainte, la pression esercée par une force extérieure qui limite la liberté d’action.

On distingue le devoir de droit, l’obligation d’obéir à la loi prescrite par l’Etat, l’obligation du citoyen, qui définit le civisme, auquel s’ajoute la possibilité d’une sanction (contrainte) par la puissance publique, et le devoir moral, l’obéissance à la loi prescrite par la conscience, qui ne relève que du tribunal de la conscience.

Le bonheur

Le bonheur est la notion a priori la plus commune et la mieux entendu, mais sa définition n’a rien d’une évidence. Qu’est-ce qu’être heureux ? C’est être heureux. Le bonheur se définit tautologiquement comme un état subjectif, une expérience que l’on ne peut décrire objectivement de l’extérieur. Il désigne une expérience tout intérieure : on peut me dire que « j’ai tout pour être heureux », si je ne suis pas heureux, je ne le suis pas. Ce n’est pas une affaire d’avoir, mais d’être; ce n’est pas une chose que l’on possède, mais un état que l’on éprouve. Cet état est communément considéré comme le souverain bien, le bien par rapport auquel tous les autres biens que nous recherchons ne sont que des moyens, le but (finalité) ultime de la vie. Autrement dit, le bonheur est considéré comme l’idéal de toute vie, l’idéal de tout homme. Cet idéal possède en lui-même une réalité est objective en ce sens qu’il est inscrit dans la nature humaine.

L’idéal du bonheur fait l’objet de trois grandes questions indissociables : peut-on définir le bonheur ? Le bonheur dépend-il de nous ? Le bonheur est-il possible ? Pour celui qui n’est pas heureux, le bonheur est un état imaginaire, un rêve éveillé, un souvenir dont il a la nostalgie ou une espérance de voir son rêve réalisé dans l’avenir. Mais le bonheur n’existe qu’au présent, puisqu’il se définit comme un état, une expérience subjective,et il doit avoir pour caractéristique de constituer un état stable dans la durée, sinon les termes de plaisir ou de joie, qui désignent un bonheur éphémère, seraient plus appropriés. Le fait de sentir heureux n’est pas une garantie de toujours pouvoir l’être, mais si le « toujours » (ou du moins la durée) fait partie de la définition du bonheur, la question de la possibilité de celui-ci se pose. Cet état idéal durable, dépend-il de nous, est-il possible de le réaliser en soi par soi-même, ou bien dépend-il essentiellement du monde extérieur, des autres, du destin ou de la fortune, c’est-à-dire de ce qui nous arrive et qui ne dépend pas de nous, des hasards de la vie. Selon la définition étymologique du mot (bon heur), « bonheur » signifie la bonne « chance » (heur), la faveur du destin (le destin favorable) ou la bonne fortune (la satisfaction de nos attentes par le hasard des circonstances). Cette définition suggère que le bonheur est une question de chance, qu’il ne dépend pas de nous, mais elle ne dit rien de son contenu. L’idéal du bonheur correspond-il à une expérience possible ? Pour le savoir, il faudrait pouvoir définir le contenu même de l’idée de bonheur. Mais cette définition réelle, la définition de la nature même du bonheur, est-elle possible ?Kant écrit que « le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination« . Ce qui signifie que le bonheur est un idéal subjectif, qui dépend de l’imaginaire de chacun, et non un idéal qu’il serait possible de définir rationnellement, donc objectivement. Cette idée selon laquelle le bonheur est indéfinissable, sans détermination objective, accompagne l’idée qu’il s’agit d’un idéal chimérique, impossible à réaliser. Pour croire au bonheur, il faut d’abord pouvoir le définir.

Définitions

Indépendamment de savoir s’il est possible de définir le contenu de l’idéal du bonheur, il faut s’entendre sur le sens partagé de la notion de bonheur en tant que notion commune. Qu’entend-on par « bonheur » ? Que faut-il comprendre lorsqu’on fait usage de cette notion ? S’il est possible de formuler des idées contradictoires à propos du bonheur, cela tient notamment au fait qu’on ne se réfère pas toujours à la même idée du bonheur. On peut en effet distinguer plusieurs sens possibles, qui correspondent soit aux usages ordinaires de la notions (plus diversifiés qu’on ne pourrait croire de prime abord) soit aux usages philosophiques.

1) Le bonheur est la satisfaction complète et durable de tous les désirs. Le bonheur, écrit Kant, est « la complète satisfaction de son état ».. Le bonheur se définit par la satisfaction du désir. Tout désir est désir d’être heureux et le bonheur est l’objet (la finalité) de tout désir. Dans la mesure ou le désir est manque (désirer, c’est désirer ce qu’on n’a pas ou ce qu’on n’est pas), le bonheur est plénitude. Le désir est frustration, le bonheur satifaction. Le désir est espérance (attente d’une satisfaction future), le bonheur est jouissance au présent. Le bonheur se distingue toutefois du plaisir, qui se définit comme la satisfaction éphémère d’un désir particulier : le bonheur se définit par la satisfaction de tous les désirs, dans la durée. Le bonheur désigne donc un état durable et stable de plénitude (rien ne manque). Cette définition de la notion de bonheur donne sens à la question de la définition du contenu de l’idéal du bonheur : est-il possible de définir et délimiter précisement les désirs qui doivent être satisfaits pour atteindre la complète satisfaction de son état ?

2) Le bonheur est l’absence du malheur, une pure négation (ne pas souffrir). Cette définition, qui correspond à la conception négative du bonheur (au sens de la négation grammaticale, « ne pas »), est fondée sur l’idée qu’il existe une dyssimétrie entre bonheur et malheur : la souffrance seule est réelle, nous pouvons en faire l’expérience positive, tandis que nous ne pouvons éprouver le bonheur que par contraste avec le malheur. Cette idée est déjà présente dans la Lettre à Ménécée : « Le comble du plaisir est l’absence de douleur. » Le bien-être est selon l’hédonisme d’Epicure le but de la vie, mais quant à son contenu, il se définit par l’aponie (absence de trouble du corps) et l’ataraxie (absence de trouble de l’âme). C’est toutefois Schopenhauer qui explicite l’idée en affirmant que « le bien-être n’est ue pure négation ». Non seulement le bien-être est absence de douleur, mais nous ne pouvons pas sentir cette absence de douleur, sinon par contraste avec la douleur ou la privation, lesquelles produisent en revanche une impression réelle. Ainsi nous ne pouvons prendre conscience des biens de la vie dont nous jouissons (la santé, la sécurité, la liberté) que lorsque nous les avons perdus (ou lorsque nous comparons notre état avec ceux qui en sont privés). Si on se place du point de vue de cette définition du bonheur, il est possible d’affirmer que le bonheur au sens 1 est une illusion (« il n’y a qu’une seule erreur innée, écrit Schopenhauer, celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux »), tout en prenant au sérieux l’idéal du bonheur, réduit à la seule dimension de la luttre contre la souffrance et le malheur.

3) Le bonheur véritable n’est pas le simple bien-être, mais la béatitude ou la sérénité, que l’on obtient non par la satisfaction des désirs mais par la sagesse ou par la foi. La notion de sérénité désigne la tranquillité et la paix d’une âme sans passion, libérée de l’inquiétude, du « trouble » généré par les peurs et les espérances illusoires. La notion de béatitude (ou félicité) désigne une joie calme, intérieure et continue. Les deux notions sont presque équivalentes en tant qu’elles correspondent à l’idée d’une jouissance de l’existence qui a pour propriété essentielle d’être permanente parce qu’indestructible, invulnérable aux épreuves de la vie et à la souffrance. La notion de sérénité est plus modeste que celle de béatitude en tant qu’elle est négative (elle est « ataraxie », c’est-à-dire « absence de trouble », absence d’émotions et de passions), tandis que la béatitude exprime la dimension positive de la joie, même s’il s’agit d’une jubilation tout intérieure et sereine. La notion de béatitude explicite l’idée d’un bonheur de vivre qui ne se confond pas avec le bien-être que procure la satisfaction du désir ou l’absence de souffrance, lequel bien-être est toujours nécessairement précaire, fragile et provisoire. Cette conception du bonheur n’est pas celle du sens commun. Il faut admettre la possibilité d’un bonheur qui transcende l’expérience ordinaire du bonheur et du malheur, d’un bonheur qui ne se confond pas avec le bien-être au sens 1 (satisfaction de tous les désirs) ou au sens 2 (absence de souffrance).

4) Le bonheur est le sens de la vie, l’accomplissement d’une raison de vivre, du but ou projet existentiel qui donne à la vie une direction et une signification. Selon cette définition, un simple projet, en tant qu’il fournit un but à l’existence, est pourvoyeur de bonheur. « Quand on possède le ‘pourquoi » de sa vie, on s’accommode à peu près de tous les ‘comment’« , écrit Nietzsche. Le « pourquoi » est la raison de vivre ou but de la vie qui donne une finalité à l’existence. Le « comment » désigne la condition dans laquelle on se trouve, plus ou moins confortable, heureuse ou malheureuse. Cette notion de sens de la vie exprime l’idée que le bonheur n’est pas le but de la vie, mais ce qui accompagne la vie qui poursuit un but. Cela peut se traduire diversement. Chez Aristote, par exemple, on rencontre l’idée selon laquelle « le bonheur est une activité désirable en elle-même » : le plaisir ou la joie n’est pas le but de l’activité mais ce qui accompagne une « activité désirable en elle-même », le jeu pour l’enfant par exemple. Raison pour laquelle, pour prendre d’autres illustrations de cette idée fournies par Aristote, aimer et donner procurent davantage de bonheur que recevoir et être aimé, parce que donner et aimer sont des activités. Autre illustration possible : Kant, qui distingue la moralité (l’obéissance désintéressée à la loi morale) et le bonheur (un « idéal de l’imagination » indéterminé, en raison de la prolifération des désirs, et toujours lié à l’amour de soi), considère que si le but de l’action morale n’est pas le bonheur, celle-ci s’accompagne d’une forme de contentement, de satisfaction du devoir accompli, de sentiment d’être justifié dans son existence. Justice et bonheur représentent deux idéaux distincts mais l’idéal moral est supérieur en tant qu’il constitue la source de la valeur de l’homme : être juste rend digne du bonheur, ce mérite moral constituant le sens et la valeur de la vie.

La recherche du bonheur ou de « la vie bonne », dans cette perspective, n’est pas la recherche du simple bien-être, du bonheur au sens 1 (satisfaction des désirs) ou au sens 2 (absence du malheur), mais la recherche de l’activité ou de la raison de vivre qui a le plus de sens. Introduire cette définition du bonheur (une conception positive du bonheur), en rupture avec la définition la plus commune, permet de déplacer le point de vue sur le bonheur, de relativiser l’opposition du bien-être et de la souffrance, mais d’une manière accessible au sens commun (à la différence de la conception du bonheur comme béatitude générée par la sagesse ou par la foi). Cette notion de « raison de vivre », en tant qu’elle correspond à l’idée d’un souverain bien qui n’est pas nécessairement le bonheur, peut être mobilisée pour critiquer l’idéal du bonheur. L’idéal de justice, par exemple, ou le pur amour (l’amour désintéressé), peuvent justifier le sacrifice du bonheur personnel et néanmoins donner un sens à la vie. Ce qui implique de distinguer la plénitude du sens, lié au sentiment d’une justification de sa vie, du simple bien-être. On peut utiliser la notion de bonheur, mais il s’agit alors d’un bonheur qui n’est pas fondé sur la recherche du bonheur, d’un bonheur qui résulte du fait que l’on donne à sa vie un but supérieur au bonheur. Le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l’ont pas cherché« , écrit Alain. Ce qui signifie que celui qui désire être heureux risque fort d’être malheureux toute sa vie, tandis que celui dont la vie a un sens dispose de tout le bonheur possible.