Socrate et Platon

La philosophie a 2500 ans d’existence. Le point de départ de son histoire est un personnage, Socrate, le premier philosophe, qui n’a rien écrit et et que nous connaissons principalement à travers l’oeuvre de son principal disciple, Platon. Platon est l’inventeur des mots philosophos et philosophia. Il conçoit le mot à partir d’un modèle, Socrate, dont la manière de vivre et de penser caractérise donc la philosophie.

Pour répondre à la question « Qu’est-ce que la philosophie ? », il faut répondre à deux autres questions : quel est le but de la philosophie ? Quelle est la méthode philosophique ? La philosophie est amour (philia) de la sagesse et du savoir (sophia signifie à la fois sagesse et savoir). Le but est la sagesse, la bonne manière de vivre (pour être juste et heureux car, selon Socrate, « nul n’est méchant volontairement », et seul l’homme juste peut connaître le bonheur authentique). Mais le philosophe n’est pas un sage ni un savant, il est d’abord l’ami du savoir et de la sagesse, celui qui désire la vérité et la justice tout en sachant que celles-ci ne sont pas données et qu’il faut les chercher. Socrate est reconnu comme le père fondateur de la philosophie non en raison de son savoir ou de la sagesse qu’il propose, mais parce qu’il incarne ce qu’on appelle l’esprit critique, l’enquête rationnelle fondée sur le doute et le questionnement. La philosophie se définit d’emblée comme une méthode, la dialectique, l’art du dialogue au service de la recherche de la vérité.

Quand on ouvre un livre de Platon, on tombe sur un dialogue dans lequel on rencontre toujours le personnage de Socrate parlant avec divers interlocuteurs. Socrate questionne, objecte, réfute, souligne les incohérences de ses interlocuteurs, exige la clarification de la pensée, en premier lieu la définition précise de l’objet de la discussion. Il n’est pas celui qui apporte les réponses mais celui qui fait apparaître comme douteuses celles qu’essaient d’apporter ses interlocuteurs. Lorsque dans les dernières oeuvres de Platon, Socrate développe des réponses aux grandes questions de la philosophie (par exemple dans La République, où Platon définit la Cité idéale), ce n’est plus Socrate qui s’exprime, mais Platon à travers le personnage de Socrate. Le premier texte de Platon, L’apologie de Socrate, n’est pas toutefois pas un dialogue, mais un véritable document historique, puisque Platon y fait le récit de la défense de Socrate par lui-même au cours de son procès. Socrate, en effet, est mort après une longue vie (il a bu la cigüe), à l’issue d’un procès que lui intentèrent les Athéniens. Athènes, la première démocratie, a condamné à mort Socrate, le premier philosophe ! Socrate fut accusé de mettre en question les dieux de la Cité et de corrompre la jeunesse par son enseignement. A travers lui, c’était l’esprit critique, le coeur de l’activité philosophique, qui était mis en accusation.

Dans L’Apologie de Socrate, Socrate se présente lui-même comme un professeur de doute, dont le seul savoir (ou sagesse) consiste dans la conscience d’ignorance, le savoir du non savoir. La sagesse de Socrate, selon Socrate lui-même, est une sagesse paradoxale, qui consiste à se différencier de ceux qui croient savoir, qui prétendent savoir ou être sage, par la conscience du caractère douteux et incertain des croyances. Socrate est celui qui découvre ainsi, selon la formule d’un philosophe français du 20e siècle, que « penser, c’est douter » (Alain).

Cette vidéo, à la fois humoristique et sérieuse, présente et situe le personnage de Socrate dans son époque. Le texte dans lequel Socrate définit son savoir ou sa sagesse :