La découverte de l’Amérique et du relativisme culturel

Repères chronologiques

1492 : La découverte de l’Amérique par Christophe Colomb.

1503 : publication de Mundus Novus (« Nouveau Monde »), d’Amerigo Vespucci, best-seller du XVIe siècle, ce qui explique que le continent découvert ait été baptisé « Amérique ».

1550 : La controverse de Valladolid, qui oppose les théologiens Las Casas à Sepulveda.

Définitions

Le relativisme culturel : 1) la doctrine selon laquelle les valeurs sont relatives à la culture, de sorte qu’il n’existe pas de système de valeurs universel; 2) la doctrine selon laquelle les cultures sont des systèmes de valeurs incommensurables entre eux, de sorte qu’on ne peut évaluer les cultures de manière impartiale (sans être juge et partie).

L’ethnocentrisme : 1) la tendance à juger la culture des autres peuples à partir des critères de sa propre culture; 2) la tendance à prendre les valeurs de la société à laquelle on appartient pour des valeurs universelles.

L’universalisme : caractère d’une doctrine qui prétend être valable pour tous et entend s’appliquer à l’humanité tout entière.

L’assimilation : l’action de rendre sembable ou identique.

Barbare, barbarie : 1) le comportement dégradant et cruel (sens moral ordinaire); 2) ce qui est proche des origines, de la nature (synonyme de « primitif » ou de « sauvage »); 3) l’autre, l’étranger que l’on ne comprend pas et qu’on tend à mépriser (ce qui correspond à l’étymologie grecque ou latine : le barbare est l’étranger, celui qui parle une langue qui n’est pas semblable à la nôtre).

Citations

« Le barbare, c’est celui qui croit à la barbarie » (Claude Lévi-Strauss)

« Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » (Montaigne)

La découverte du relativisme culturel

Les notions de relativisme culturel et d’ethnocentrisme ont été forgées au 20e siècle par l’anthropologue français Claude Lévi-Strauss. Selon Lévi-Strauss lui-même, l’idée du relativisme culturel (avant le mot), fondée sur la critique de l’ethnocentrisme, émerge dans le sillage de la découverte de l’Amérique dans l’oeuvre de Montaigne. Elle consiste dans la prise de conscience du fait que les croyances et les valeurs qui guident la vie des peuples diffèrent d’un peuple à l’autre, d’une civilisation à l’autre, parfois radicalement. Du fait de la diversité irréductibles des cultures, donc des systèmes de valeurs, il faudrait déduire l’impossibilité de comparer et d’évaluer les cultures ou les civilisations entre elles. L’absence de système de valeurs universel empêche le jugement de valeur d’être objectif, chacun, lorsqu’il juge, étant nécessairement juge et partie, prisonnier de la grille de lecture (du système de croyances et de valeurs) de la société à laquelle il appartient.

D’où la critique de l’ethnocentrisme, la critique de la tendance à évaluer les autres peuples en prenant pour référence les valeurs de sa propre culture ou civilisation, érigées en valeurs universelles (la vraie religion, par extension les règles la bonne manière de vivre et d’agir). L’ethnocentrisme (la racine étymologique, comme pour ethnologie, ethnie ou ethnique est le mot grec « ethnos », qui signifie « peuple ») désigne donc la tendance propre à chaque peuple (culture, civilisation, religion) à se considérer comme le centre du monde et la référence universelle.

L’ethnocentrisme se traduit par deux types d’attitudes :

La négation de la culture de l’autre peuple qui, n’étant pas reconnu comme appartenant à la civilisation, est animalisé, renvoyé au domaine de la nature. C’est ce que signifie des termes comme « barbare » ou comme « sauvage ». Les conséquences de ce jugement de valeur peuvent être dramatiques, puisque l’humain animalisé peut être traité comme un animal, que l’on peut sans aucun scrupule réduire en esclavage ou exterminer.

La hiérarchisation des cultures ou des civilisations. Dans ce cas, l’autre peuple est reconnu dans son humanité, sa culture est reconnue comme appartenant à la civilisation universelle, mais les différentes cultures ou civilisations ne sont pas considérées comme étant de même niveau. L’autre est donc considéré comme à la fois semblable (en tant qu’homme) et inférieur (du point de vue de la civilisation). Certaines sont jugées supérieures à d’autres, en fonction d’un critère constitué par la culture de référence, le système de valeurs à partir duquel on juge, le système de valeurs de celui qui juge, évalue et hiérarchise. Sans être rejeté dans le domaine de la nature, les autres peuples sont ainsi hiérarchisés en fonction du degré de civilisation qu’on leur attribue, du « primitif » au plus « civilisé ». Une telle manière de penser peut conduire à justifier une entreprise impérialiste de colonisation visant l’assimilation, l’autre étant perçu non plus comme un animal mais comme un enfant à éduquer. L’assimilation consiste dans le projet de convertir les autres peuples à la vraie religion ou de leur apporter les lumières de la civilisation.

La controverse de Valladolid

La célèbre controverse de la Valladolid, controverse théologico-juridique à propos du statut des Amérindiens, témoigne des problèmes théoriques et moraux qui naissent de la rencontre d’une autre civilisation. Les deux protagonistes de la controverse, Las Casas et Sepulveda, sont deux théologiens qui partagent l’idée que les Amérindiens sont des semblables qu’il faut convertir au christianisme. L’enjeu de la controverse était de trancher l’alternative suivante : faut-il assujettir les infidèles par la conquête (par la force), afin de pouvoir les convertir dans un second temps, ou bien, au contraire, faut-il respecter leur liberté afin de les convertir pacifiquement et de les conduire à reconnaître l’autorité bienfaitrice de l’empereur Charles Quint ? Las Casas, indigné par les exactions des soldats espagnols, dont il a été le témoin, défend la seconde option. Sa volonté de défendre les Amérindiens le conduit à chercher à mieux les comprendre et à découvrir ainsi le « perspectivisme » du relativisme culturel.

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i14241772/jean-claude-carriere-a-propos-de-la-controverse-de-valladolid