Présentation du cours
Feuille de route
Programme
Les sept notions du programme : la vérité; la liberté; la justice; la religion; la nature; l’art; la technique.
Sujets du baccalauréat 2023
à retenir
Méthodologie. Un sujet de dissertation se présente sous la forme d’une question qui formule un problème. Un problème est une question à laquelle il n’y a pas une seule réponse possible. Construire une « problématique » consiste à présenter un problème, c’est-à-dire à expliquer pourquoi il n’y a pas une seule réponse possible à la question posée. On peut par exemple partir de la réponse qui nous paraît, à tort ou à raison, la plus évidente, pour ensuite introduire un argument qui justifie le doute à l’égard de cette évidence, ce qui justifie l’organisation d’un débat confrontant les points de vue.
Présentation de la philosophie
La philosophie naît au 4e siècle avant l’ère chrétienne (400-300 avant J.C.) à Athènes. La date qui sert de référence est celle du procès et de la mort de Socrate, en 399, au début de ce quatrième siècle. Le terme « philosophie » est inventé par Platon (428/427 av. J.-C. – 348/347 av. J.-C.) à partir de deux mots, « philia », qui signifie amour, et « sophia », qui signifie à la fois savoir et sagesse. Le philosophe est l’ami du savoir et de la sagesse. Pour concevoir l’idée du philosophe, Platon prend pour modèle son maître Socrate. Dans son premier texte, Apologie de Socrate, Platon décrit la manière dont Socrate se présente au cours de son procès. Socrate se dépeint lui-même comme le plus sage des Athéniens pour une seule raison : tandis que les autres ont en commun de croire savoir quelque chose, lui sait qu’il ne sait rien. Socrate est un professeur de doute qui invite chacun à mettre en question ses croyances. Le philosophe n’est pas le savant ou le sage, celui qui possède savoir ou sagesse, il est celui qui met en doute les croyances (croire savoir, croire être juste) afin de chercher le savoir et la sagesse. Ou pour le dire autrement : le premier savoir du philosophe est le savoir du non-savoir qui rend la recherche nécessaire. La philosophie désigne donc au départ non une doctrine mais une méthode, celle de Socrate, qui associe doute, questionnement et dialectique (débat contradictoire).
Pour définir les objets ou les domaines de la philosophie, la meilleure référence est le philosophe Emmanuel Kant (1724-1804), un philosophe allemand considéré comme le philosophe le plus important du siècle des Lumières, le 18e siècle, baptisé aussi « le siècle des philosophes ». La philosophie antique distinguait trois parties de la philosophie, la logique, la physique et l’éthique. Kant donne une présentation légèrement différente, sous forme de questions (ce qui rappelle que la philosophie commence toujours par le questionnement). Cette présentation correspond à la pratique moderne de la philosophie.
Quatre questions définissent la philosophie. Une question récapitule toutes les autres : Qu’est-ce que l’homme ? La philosophie est une anthropologie, une étude de l’homme (en grec ancien, « anthropos » signifie « homme »). Kant exclut donc la physique (l’étude de la nature) de la philosophie, qu’il distingue de la science. Néanmoins cette question générale ne suffit pas à définir la philosophie: les sciences aussi (naturelles et humaines) étudient l’homme. Les trois questions qui précisent la manière dont la philosophie étudie l’homme sont les suivantes :
1 – Que puis-je connaître (ou savoir) ?
C’est le domaine de la théorie de la connaissance, que l’on étudiera en partant de la notion de vérité. L’enjeu (ce qui fait l’intérêt de la question) est la définition des critères de la distinction entre le vrai et le faux, l’erreur et la vérité. L’objet de la connaissance philosophique n’est pas l’objet de la connaissance (la réalité) mais le sujet de la connaissance (la raison, c’est-à-dire l’esprit qui, armé d’une méthode qu’il définit lui-même, produit la connaissance).
Ce questionnement se fonde sur la prise de conscience du fait que chacun, parce qu’il possède la raison (la faculté de penser), est responsable de l’usage qu’il en fait. Chacun est responsable de la vérité et de l’erreur dans ses propres jugements. La conscience de cette responsabilité justifie l’intérêt pour la méthode qui permet de produire et de reconnaître la vérité ainsi que la réflexion sur les grandes sources d’erreur. L’examen du pouvoir de connaître conduit également à s’interroger sur les limites de ce pouvoir : dans quelle mesure et/ou dans quels domaines est-il possible d’atteindre la vérité (de distinguer entre erreur et vérité) ?
2 – Que dois-je faire ?
C’est le domaine de la morale (éthique) et de la politique, que nous étudierons en partant de la notion de justice. La question contient deux verbes, « devoir » et « faire » : l’objet de la morale est de définir le Bien (ce qu’on doit faire) et le Mal (ce qu’on ne doit pas faire). La philosophie morale confronte les théories morales qui définissent les critères de la distinction du Bien et du Mal permettant de régler l’action (la conduite) et de porter des jugements sur la valeur morale des actions et des hommes. Le devoir est l’obéissance à une loi. Il existe deux sources de lois dictant à l’homme ce qu’il doit faire ou ne doit pas faire : la conscience et l’État (la communauté). La notion de justice s’applique à la personne comme à l’État. On appelle morale ou éthique, les lois morales informelles qui règlent le rapport à soi ou les relations interpersonnelles. Le droit désigne les lois écrites qui définissent le juste et l’injuste dans l’État et que le pouvoir des juges (la Justice) doit faire appliquer. La philosophie politique confronte les théories de la justice qui définissent les critères de la distinction entre le juste et l’injuste permettant de définir l’idéal du droit auquel l’État doit se soumettre pour être juste.
La question de la Technique, c’est-à-dire le problème de la valeur morale et politique de la transformation de la nature par l’homme, entre dans le cadre du domaine de la philosophie morale et politique. L’écologie politique, par exemple, pose la question des devoirs de l’homme envers la nature (ou elle des droits de la nature).
3 – Que m’est-il permis d’espérer ?
C’est le domaine de la sagesse et de la spiritualité, que l’on étudiera en s’appuyant sur la notion de liberté. Il serait préférable de partir de la notion de bonheur, comme le faisait la philosophie antique. La notion de liberté a cependant plusieurs sens, dont celui que lui donnait les Anciens, la liberté du sage, la sérénité de l’homme dont le désir est satisfait. Selon la philosophie en tant qu’elle est amour de la sagesse, tout homme désire être heureux, ce qui signifie qu’il cherche le souverain bien, le bien qui n’est pas un simple moyen pour un autre bien mais une fin en soi. Pourquoi vouloir être heureux ? Pour être heureux, pour vivre une vie qui vaille la peine d’être vécu. Tous les autres objectifs dans la vie, tous les biens que l’on veut posséder, à commencer par l’argent, sont des moyens pour le bonheur. Le bonheur est l’objet de tout désir, et tout désir est espérance de bonheur.
Nul besoin de philosopher pour éprouver des désirs et concevoir des projets qui donnent sens à la vie. La philosophie pose toutefois une question inquiétante, à laquelle on ne pense heureusement pas tous les jours : pourquoi vivre, sachant qu’on est mortel ? La conscience de la possibilité de la mort est ce qui fait apparaître le projet de tout être vivant, survivre, perpétuer la vie, comme étant absurde. L’être humain, conscient de la brièveté de la vie, ne veut pas seulement survivre, il veut que la vie ait un sens. Derrière la question du bonheur, se cache celle de la valeur et du sens de la vie.
La philosophie de la sagesse est une réflexion sur l’espérance qui a pour objet de définir les critères de la distinction entre les désirs qui ont du sens et les désirs absurdes (vains, dérisoires et illusoires). L’un des grands clivages sur la question de l’espérance est l’opposition entre immanence et transcendance : faut-il contenir l’espérance dans les limites de la vie ici-bas ou au contraire dépasser ces limites ? Ce que la religion appelle « le salut » – l’espérance de pouvoir se sauver de la mort par la foi en gagnant l’éternité du Royaume de Dieu – est l’équivalent de ce que la philosophie antique a baptisé « sagesse ». Toutes les réponses à la question de l’espérance qui écartent la croyance en l’au-delà sont les philosophies qui cherchent une conception du sens et de la valeur de la vie immanente à l’ici-bas, c’est-à-dire à la vie elle-même. Pour le croyant, le désir d’éternité est celui qui a le plus de sens; pour l’athée, il est absurde car illusoire.
L’art fait partie des réponses à la question du sens de la vie. Ce qu’on pourrait illustrer par la célèbre formule de Nietzsche : « Sans la musique la vie est simplement une erreur, une torture, un exil« . La question fondamentale à propos de l’art est celle-ci : à quoi sert l’art, étant entendu qu’il ne sert à rien, c’est-à-dire qu’il n’est pas utile à la vie, qu’il ne vise pas à satisfaire des besoins vitaux ? Les réponses à cette question se situent nécessairement sur le terrain de la spiritualité, y compris si on répond simplement que l’art sert à divertir. Car le divertissement est par définition ce qui fait diversion : se divertir consiste à faire quelque chose de sa vie quand on n’a rien à faire; se divertir permet de combler le vide, de « tromper l’ennui », de donner du sens et de la valeur à la vie en l’absence de désir et de projet.
Remarques
1 – Toutes les questions abordées durant l’année, toutes les questions de dissertation se rapportent nécessairement d’une manière ou d’une autre à l’un de ces trois questionnements. Le premier travail à faire le jour de l’épreuve est donc d’identifier à quelle grande question de la philosophie rattacher chacun des trois sujets proposés.
2 – Dans ces trois domaines de la pensée philosophique, il existe plusieurs grandes argumentations possibles permettant de justifier des réponses cohérentes et convaincantes, mais il n’existe pas l’équivalent de la preuve scientifique, la preuve qui élimine toutes les réponses possibles à l’exception d’une seule. Philosopher, c’est donc argumenter sans preuve. La « vérité » exigée est la cohérence : la critique philosophique consiste à pointer une incohérence (une contradiction) dans une argumentation.
3 – Certaines notions du programme (la religion, la liberté) seront mobilisées dans chacun des trois domaines de la philosophie. Une religion se définit par une Vérité (les vérités de la foi établies à partir de la Parole de Dieu par exemple), une Loi (la Loi de de Dieu, qui dans le monothéisme définit le Bien et le Mal), une espérance (une doctrine du salut ou de la sagesse). La notion de liberté est polysémique, ce qui signifie que son sens varie selon les problèmatiques dans lesquelles elle apparaît.
4 – Depuis l’origine de son histoire, la philosophie mobilise la notion de nature humaine. Comme on le verra, les réponses apportées à chacune de ces grandes questions sont indissociables d’une certaine conception de l’homme. Concevoir l’homme comme créature de Dieu à l’image de Dieu ou bien comme simple corps vivant (animal parmi d’autres animaux), par exemple, n’est pas sans conséquences sur le contenu des réponses apportées.
L’étude de l’homme est d’ailleurs un problème pour la théorie de la connaissance. Peut-on connaître l’homme ? Pourquoi des « sciences humaines » sont-elles nécessaires à l’étude de l’homme ? Pourquoi la science de la nature ne suffit-elle pas ? La réflexion philosophique contemporaine sur la nature humaine doit tenir compte des données scientifiques, lesquelles font apparaître sous un jour nouveau une question posée depuis le commencement de l’histoire de la philosophie : comment s’articulent en l’homme nature et culture, ce qui est produit par la nature (l’inné, de donné biologique) et ce qui est produit par l’histoire (l’acquis de la civilisation transmis par l’éducation) ? Cette question, en apparence purement théorique, interfère avec les questions morales et politiques, ce qu’illustre, par exemple, le débat contemporain sur le « genre ».