Le sujet 1 du Bac 2025 était constitué par l’énoncé suivant : « Notre avenir dépend-il de la technique ? » Comment lire cet énoncé ?
Le premier réflexe doit être de transformer la question en affirmation. La question est une invitation à discuter (examiner, évaluer, justifier et/ou critiquer) une proposition. En l’occurrence, la proposition : « Notre avenir dépend de la technique ».
Il faut ensuite s’interroger sur la raison d’être des mots employés pour formuler la question. « Notre avenir », dans le cadre d’une réflexion philosophique, ne peut que désigner l’avenir de l’humanité, pas celui d’un groupe humain ou d’une génération en particulier. La question pourrait donc être reformulée ainsi : « La technique conditionne-t-elle l’avenir de l’humanité? »
Mais pourquoi n’avoir pas posé simplement la question : « Notre condition dépend-elle de la technique ? », pourquoi nous inviter à une réflexion sur la technique en pensant à l’avenir ? Le cours de philosophie apporte en principe les éléments pour comprendre de quoi il s’agit dans l’énoncé de cette question : Le problème de la technique est celui de la technique moderne, dérivée de la science moderne. Par « technique », dans l’énoncé de la question, il faut entendre « progrès technique ». La condition de l’homme moderne est en permanence bouleversée par le progrès scientifique et technique, lequel transforme le monde, créant un monde nouveau en détruisant l’ancien. La question pourrait donc être reformulée ainsi : « Le progrès technique transforme-t-il la condition humaine ? »
Il faut enfin se demander dans quel registre de discours inscrire la question : est-ce une invitation à décrire la condition humaine, à construire un jugement critique sur le monde comme il va, à justifier la prescription d’une règle (règle morale, règle de prudence, principe de justice, principe de sagesse, règle de méthode pour bien conduire sa pensée) ?
On peut pour cela essayer de reformuler la question afin de souligner soit l’invitation à décrire, soit l’invitation à évaluer ou à prescrire. Dans l’exemple choisi, deux types de reformulations sont possibles. Dans le sens descriptif : « Le progrès technique transforme-t-il la condition humaine ? »; « Le progrès technique est-il le moteur de l’histoire moderne ? »; « L’avenir de l’humanité sera-t-il façonné par le progrès technique ? »; « Est-il possible de prévoir ce que sera la condition humaine dans l’avenir, compte tenu de la difficulté d’anticiper les progrès de la science, les innovations technologiques ainsi que leurs conséquences sociales, culturelles et politiques ? » Dans le sens normatif : « Le progrès technique est-il un progrès pour l’humanité ? »; « Faut-il avoir peur de la technique ? »; « Notre avenir dépend-il de notre capacité à maîtriser le progrès technique ? »; « Le bonheur des générations futures dépend-il de notre capacité à accélérer ou à freiner le progrès technique ? »
S’agissant du sujet choisi (« Notre avenir dépend-il de la technique ? »), la distinction des registres du discours permet de concevoir un plan échappant à l’alternative « pour ou contre » la proposition suggérée par la question, alternative qui serait ici peu pertinente (pour ou contre la proposition « Notre avenir dépend de la technique. »)
On peut en effet envisager de traiter le sujet sous les deux angles, descriptif et normatif, en commençant par la description (de la condition de l’homme moderne) pour ensuite introduire le débat éthico-politique : si l’avenir de l’humanité nous est radicalement inconnu, du fait de l’impossibilité de prévoir les transformation de la condition humaine par le progrès scientifique et technique, faut-il s’en inquiéter ? Faut-il vivre dans l’espérance d’un avenir meilleur grâce à la technique ou dans la peur des inévitables destructions générés par le progrès technique ? En somme, il faut d’abord répondre à la question « La condition humaine dépend-elle de la technique ? » (registre descriptif) pour ensuite répondre à la question : « Le bonheur des générations futures dépend-il de la technique ? » (registre normatif).
Sur le plan descriptif, il est difficile de contester la proposition : « Notre avenir dépend de la technique. » Il faut donc la justifier et l’illustrer. Pour qu’il y ait matière à débat, il faut introduire les valeurs qui sont les guides de l’action et conduisent à la question : « Que faire ? ». La proposition « Notre bonheur (ou notre liberté, ou notre survie) dans l’avenir dépend du progrès technique » est en effet discutable: On pourrait objecter que le progrès technique constitue une menace pour l’humanité et qu’il faut donc, pour préserver notre bien-être (ou notre liberté, ou notre survie) maîtriser de le progrès technique (par un encadrement moral et politique), voire le freiner ou y renoncer.