Tout discours s’inscrit dans l’un de ces trois registres : décrire, évaluer, prescrire.
Décrire, c’est dire ce qui est. Ce registre est celui de la connaissance, qui s’exprime par des jugements de réalité, des affirmations ou des négations visant à présenter la réalité telle qu’elle est (ou telle qu’elle a été, telle qu’elle sera).
Evaluer, c’est porter une appréciation critique (qui valorise ou dévalorise) sur une réalité, selon des critères de valeur plus ou moins subjectifs ou objectifs, fondés sur la conception qu’on se fait de ce qui doit être. Ce registres est celui des jugements de valeur, des affirmations ou des négation qui prétendent établir la valeur des choses ou des personnes.
Prescrire, c’est dire ce qui doit être et ce qu’il faut faire. Toute morale, par exemple, est prescriptive et normative : elle prescrit des règles de vie et d’action (normes, lois) au nom d’un idéal, d’une représentation de la réalité telle qu’elle devrait être. Ce registre est celui de la parole « performative », de la pensée qui commande une transformation de la réalité par l’action. La prescription prend appui sur des jugements de réalité (un diagnostic) et sur des jugements de valeurs (la critique de la réalité au nom de ce qu’on valorise, la valeur ou l’idéal).
Face à n’importe quel énoncé, face à un texte philosophique en particulier (y compris une simple question), on peut se demander s’il faut inscrire celui-ci dans le registre du descriptif (la pensée et la formulation de ce qui est) ou dans le registre du normatif (la pensée et la formulation de ce qui doit être), qui comprend l’évaluation (la critique) et la prescription (la conception d’un idéal pour l’action). On peut aussi se demander si les deux lectures sont possibles, si l’énoncé (notamment s’il s’agit d’une question) peut donner lieu à deux interprétations différentes, selon qu’on l’inscrive dans le registre du descriptif ou dans celui du normatif.
La réflexion philosophique a souvent pour objet la conception de la valeur (la valeur morale, la valeur esthétique) ou de l’idéal (la sagesse, la justice, la liberté, le bonheur). Le discours philosophique s’inscrit donc dans le registre du normatif (la représentation de ce qui doit être). La philosphie se conçoit cependant aussi comme une anthropologie (une connaissance de l’homme). La question « Qu’est-ce que l’homme ? » appartient au registre du descriptif. La philosophie s’inscrit dans le registre de la connaissance, le discours qui vise à dire ce qui est, en tant qu’elle s’efforce de présenter la réalité humaine (la nature humaine, la condition humaine) de la manière la plus objective possible.