Être libre, est-ce faire ce qu’il me plaît ?

Sens de la question : le « est-ce » m’indique que la réflexion demandée doit porter sur l’essence même de la liberté, c’est-à-dire sur sa définition. Il faut répondre à la question : Qu’est-ce que la liberté ? La question suggère une réponse « être libre, c’est faire ce qu’il me plaît », qui est la réponse du sens commun, réponse qu’il faut pouvoir mettre en question pour la discuter.

Le problème : il y a plusieurs problèmes possibles, liés à la diversité des usages de la notion de liberté. On peut donner à la réflexion une direction politique ou une direction éthique. Bien entendu, pour traiter un tel sujet, il est possible de traiter les différents problèmes, en articulant convenablement les parties du développement. Il est possible également de choisir de traiter le problème de la liberté exclusivement sous l’angle éthique ou sous l’angle politique. Dans un cas comme dans l’autre, on peut se contenter de présenter un seul problème dans l’introduction. Il faut dans tous les cas partir de l’idée que la liberté se définit d’abord par l’absence de contrainte extérieure. Il y a problème 1) parce que dans la vie en société, la contrainte extérieure est toujours présente, de sorte que la concrétisation de l’idée de liberté exige d’intégrer cette dimension de contrainte dans la définition (problème politique) ; 2) parce qu’en l’absence de contrainte extérieure, il existe peut-être des raisons de vouloir autre chose que faire ce qu’il me plaît (problème éthique), a) soit parce que « faire ce qu’il me plaît » conduit à des contradictions (problème du bonheur), b) soit parce qu’un sentiment de responsabilité morale peut me conduire à choisir de ne pas faire ce qu’il me plaît (problème moral du rapport entre liberté et responsabilité).

Proposition 1 (orientation politique)

Qu’est-ce qu’être libre ? La réponse est au premier abord évidente : pouvoir vivre sans entrave, pouvoir donner libre cours à ses désirs et chercher son bonheur sans dépendre de personne, sans avoir à subir une contrainte, que celle-ci vienne de la famille, d’un rapport de domination, de la morale ou de l’Etat. L’homme libre est celui qui n’est pas esclave, l’amour libre s’oppose au mariage forcé, la liberté de la femme n’a de sens que par rapport à la domination masculine à laquelle elle échappe. La liberté semble se définir toujours par l’indépendance de la volonté, par le pouvoir d’agir sans contrainte extérieure. Quelle raison aurait-on de proposer une autre définition, comme nous y invite le sujet ?

Dès l’enfance, une évidence s’impose : il est impossible à l’homme de faire ce qu’il lui plaît. L’enfant voudrait jouer, il lui faut aller à l’école et faire ses devoirs. Enfin libre, débarassé de la contrainte parentale, l’adulte se découvre dépendant du bon vouloir d’un employeur pour gagner sa vie et contraint de verser un impôt à l’Etat. La vie en société paraît inconciliable avec la liberté. La loi commune limite la liberté de chacun, de sorte que la liberté n’est plus, selon la définition qu’en donne Montesquieu, que « le droit de faire ce que la loi permet ». Une telle définition de la liberté semble réaliste, mais est-elle satisfaisante ? Ne revient-elle pas à dissimuler le fait que nous ne sommes pas libres ? La liberté authentique est-elle dans l’obéissance à la loi ou dans la transgression de la loi ? Comment peut-on rester libre dans l’obéissance à la loi ?

La question a pour enjeu la possibilité de distinguer un Etat libre, république ou démocratie, d’un Etat despotique : peut-on considérer que l’homme vraiment libre est le citoyen d’un Etat libre ?

Proposition 2 (orientation éthique)

Qu’est-ce qu’être libre ? La réponse est au premier abord évidente : pouvoir vivre sans entrave, pouvoir donner libre cours à ses désirs et chercher son bonheur sans dépendre de personne, sans avoir à subir une contrainte, que celle-ci vienne de la famille, d’un rapport de domination, de la morale ou de l’Etat. L’homme libre est celui qui n’est pas esclave, l’amour libre s’oppose au mariage forcé, la liberté de la femme n’a de sens que par rapport à la domination masculine à laquelle elle échappe. La liberté semble se définir toujours par l’indépendance de la volonté, par le pouvoir d’agir sans contrainte extérieure. Quelle raison aurait-on de proposer une autre définition, comme nous y invite le sujet ?

En l’absence de contrainte extérieure, suis-je bien certain de toujours vouloir faire ce qu’il me plaît ? L’enfant peut en être sûr, qui confond vouloir et désirer. Le principe de plaisir l’emporte chez lui sur le principe de réalité, l’envie de manger des bonbons sur la considération des conséquences à long terme. S’il songeait au mal de dents, peut-être hésirerait-il, par prudence, à vouloir faire ce qu’il lui plaît. Pour l’homme dont l’action est éclairée par la raison, il apparaît souvent nécessaire de ne pas toujours donner libre cours à ses désirs, ne serait-ce que pour pouvoir mieux les satisfaire, tel le troisième petit cochon de la fable qui, en prenant le temps de construire une solide maison de pierre, se donne les moyens de jouir de la vie sans être mangé par le loup. Faire ce que « je veux » ne signifie pas nécessairement faire « ce qu’il me plaît ». La liberté authentique ne réside-t-elle pas dans ce pouvoir de la volonté de maîtriser le désir plutôt que dans le libre épanouissement du désir ?

L’enjeu dissimulé derrière la question de la définition de la liberté est en fin de compte celui du sens de la liberté : l’homme vraiment libre est-il le libertin qui donne libre cours à ses désirs sans se laisser impressionner par la morale publique ou bien l’homme engagé conscient de sa responsabilité morale ?

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