Notions
Le savoir et la croyance s’excluent mutuellement. La connaissance, c’est le dépassement de la croyance par la preuve, la croyance justifiée par la preuve. Une croyance est une croyance et non une connaissance en raison de l’absence de la preuve de sa vérité. Mais croire peut avoir trois sens différents : la croyance désigne l’opinion (l’hypothèse), le préjugé ou la foi.
Au sens le plus ordinaire, croire signifie avoir une opinion, penser que…, mais sans prétendre savoir avec certitude. Croire, c’est croire savoir en doutant de son savoir. La croyance est en ce sens l’expression de la raison, puisqu’elle s’accompagne du doute méthodique. La science elle-même part de la croyance ainsi définie, baptisée hypothèse ou conjecture.
Dans un deuxième sens, croire peut signifier croire savoir sans savoir et sans savoir qu’on ne sait pas, sans connaître son ignorance. C’est la croyance qui se prend pour une connaissance, mais qui n’est qu’un préjugé, une idée reçue que l’on a jamais mise en question, dont on n’a jamais douté, de sorte qu’il s’agit d’une fausse certitude fondée sur l’ignorance et qui empêche de sortir de l’ignorance. C’est la croyance que combat l’esprit critique (le doute méthodique, le libre examen) qui caractérise le travail de la raison.
Dans un troisième sens, la croyance désigne la foi. Le croyant qui se reconnaît comme croyant sait qu’on peut ne pas croire, car la foi suppose l’impossibilité de présenter une preuve empirique (relative à l’expérience sensible) de l’objet de la croyance. La foi authentique, si elle ne se réduit pas au simple préjugé (croyance au sens 2) est une certitude subjective (et non une simple opinion), mais consciente qu’elle n’est pas une connaissance objective (à la différence du simple préjugé). Croire, en ce sens, ce n’est pas croire savoir, mais croire sans savoir ni pouvoir savoir. La foi est à cet égard une sorte de pari, un engagement fondé sur un acte de confiance (fidès en latin, signifie « confiance »), qui n’est pas nécessairement aveugle ou naïf, qui peut être justifiée par des raisons, mais qui consiste à admettre ce que la raison seule ne peut garantir par des preuves. La foi est en ce sens comparable à l’amour ou à l’amitié, lesquels peuvent du reste se définir par la fidélité, ou par la foi comme pari sur la fidélité. Lorsque Blaise Pascal écrit « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point« , il évoque aussi bien l’amour que la foi : l’un et l’autre sont au-delà de la raison.
Le conflit de la foi et de la raison
Il est possible de défendre la thèse selon laquelle la raison et la foi sont inconciliables. C’est le point de vue développé par Léo Strauss (Texte 1). La foi engage la vie entière. C’est la vie entière que l’on choisit de placer sous la direction de Dieu, par un engagement fondé sur un acte d’obéissance ou d’amour, non sur l’exclusivité donnée à la raison. Par contraste, le rationnaliste est celui qui choisit la vie guidée par la raison seule, refusant de tenir pour vrai ce qu’il ne peut se représenter être tel par lui-même, au moyen de sa raison. C’est davantage vrai pour le philosophe que pour le scientifique, dans la mesure où le rationalisme scientifique se limite à la connaissance de la nature. Dans ce domaine, le scientifique n’admet que les faits observables et les preuves rationnelles. Dans sa vie morale et spirituelle, il peut être croyant.
Le conflit entre la foi et la raison est inévitable si la foi nie les droits de la raison ou si la raison nie les droits de la foi. Le fait incontournable est celui des conflits entre la science et la religion. Le texte de Freud (Texte 2) fait référence à deux célèbres épisodes de l’histoire des sciences. Le procès de Galilée, d’une part, condamné par l’Église pour avoir défendu la thèse de Copernic, l’héliocentrisme (l’idée que le soleil est au centre du système), remettant en cause le géocentrisme, l’ancien système physique selon lequel la sphère céleste tournerait autour de la Terre, centre immobile du monde. La polémique autour de la théorie de l’évolution de Charles Darwin, d’autre part, toujours aujourd’hui contestée, non par des scientifiques, mais par des croyants qui pensent pouvoir critiquer ce que dit la science en défendant la thèse du créationnisme, l’idée selon laquelle les espèces vivantes aujourd’hui ont la même forme fixe depuis la création du monde par Dieu.
Le deuxième exemple est préférable au premier, dans la mesure où, s’agissant de l’origine de l’homme, le récit scientifique contredit effectivement le récit biblique ou coranique, tandis que Galilée et Copernic ne mettaient en cause que la science grecque. A travers Galilée, l’Église censurait la liberté de l’esprit des chercheurs, qui constituait une menace pour son autorité. La théorie de Darwin, en revanche bouscule plusieurs croyances associées au monothéisme, qui sont évoquées dans le texte de Bertrand Russell (Texte 3) : non seulement le récit sur l’origine de la vie et de l’homme, mais aussi l’idée de Providence divine (l’idée selon laquelle tout est bien fait dans la nature, l’adaptation comme preuve d’un Créateur intelligent, d’un plan divin), et peut-être surtout le statut moral et spirituel exceptionnel de l’homme, la créature à l’image de Dieu, bousculée par le le continuisme entre le singe et l’homme, l’ancrage de l’origine de l’homme dans l’animalité, dans l’évolution biologique.
Pour dépasser le conflit entre la foi et la science, le croyant doit admettre le principe de la distinction des ordres établi par Pascal (Texte 4), un penseur qui s’efforce de justifier la foi dans le langage de la philosophie. La séparation des domaine implique que la science et la religion limitent leurs prétentions, l’une au domaine de la connaissance de la nature, où la raison doit avoir le dernier mot, l’autre au domaine qui est le sien, celui de la morale et du salut (l’ordre de la charité et de l’espérance).
Reconnaître les droits de la science, pour le croyant, signifie qu’il lui faut admettre que la connaissance du monde réel (celui des faits observables) doit obéir aux deux grands principes de la science : le naturalisme méthodologique d’une part, selon lequel tout fait naturel doit s’expliquer par une cause naturelle, la falsifiabilité d’autre part, c’est-à-dire l’idée selon laquelle une hypothèse (une opinion) n’a de valeur scientifique que si elle s’expose à la contradiction par l’expérience (par une observation possible). Le paradoxe de la connaissance scientifique est en effet que les vérités ne sont jamais considérer comme des dogmes, mais comme des vérités provisoires. C’est un argument parfois utilisé à tort par les croyants contre la science : si la théorie de l’évolution est une vérité provisoire, on serait en droit de la considérer comme incertaine. En réalité, la science se définit par le progrès méthodique en direction de la vérité. Si ce progrès est possible, c’est d’une part parce qu’il n’y a pas de vérités définitives, mais aussi, d’autre part, parce qu’il est possible de prouver l’erreur avec certitude. L’observation d’un seul cygne noir prouve de manière certaine que la théorie selon laquelle « tous les cygnes sont blancs » est fausse. Dans les sciences, l’erreur est certaine, la vérité incertaine : la découverte des fossiles prouve de manière certaine que la théorie créationniste et fixiste sur l’origine des espèces est fausse. La théorie de l’évolution est considérée comme plus juste, la seule possible faute d’une alternative crédible, mais son contenu n’est pas constitué par des vérités définitives et change à mesure que la science progresse.
Les droits de la raison scientifique peuvent être niés par les croyants au nom de la foi. Mais les droits de la foi peuvent-ils être niés par la raison ? Ils ne devraient pas l’être, explique le philosophe André Comte-Sponville (Texte 5) dans un texte où il analyse les deux sens de l’athéisme et la signification de l’agnosticisme. Le seul point de vue rationnel à propos des dieux (ou de Dieu) a été formulé dès l’origine de l’histoire de la philosophie par un contemporain de Socrate, Protagoras : « Sur les dieux, je ne puis rien dire, ni qu’ils sont, ni qu’ils ne sont pas« . La véritable raison en est que le divin n’est pas un objet de l’expérience possible, un fait observable, un objet de science. Ni la proposition « Dieu existe », ni la proposition « Dieu n’existe pas » ne sont falsifiables, c’est-à-dire susceptibles d’être contredites par une observation. Ce sont donc des croyance possibles, mais pas des connaissances. Nier la foi au nom de la raison serait donc, de la part du rationaliste, une erreur.
Reconnaître que la foi n’est pas un savoir (au sens de la connaissance scientifique) devrait donc être, pour le rationaliste comme pour le croyant, une condition nécessaire pour concilier la foi et la raison. Pour le croyant, il faut sans doute également consentir au renoncement à la lecture littérale des Écritures. Ce que rend possible la théorie de la non-contradiction de la vérité avec la vérité et la doctrine des deux livres, qui remontent au penseur musulman Averroès, ou Ibn Rushd (Texte 6) . Selon Averroès, le Coran encourage l’étude de la nature, laquelle est l’oeuvre de Dieu, de sorte que les Écritures et la science sont deux sources légitimes de vérités qui ne peuvent se contredire. Le livre sacré et la nature pouvant en quelque sorte être considérés comme les deux livres de Dieu.
Documents
Texte 1 – L’homme ne peut vivre sans lumière, sans guide, sans connaissance : ce n’est que parce qu’il le connaît qu’il trouve le bien dont il a besoin. La question fondamentale est donc de savoir si les hommes peuvent acquérir cette connaissance du bien, sans laquelle ils ne peuvent guider leur vie individuelle ou leur vie sociale, par les seuls efforts de leurs facultés naturelles, ou s’ils doivent s’en remettre pour cela à la révélation divine. Il n’y a pas d’alternative plus essentielle que celle-ci : direction humaine ou direction divine. La première possibilité apparaît dans la philosophie ou la science au sens premier de ce terme, la seconde se trouve dans les Écritures. On ne peut esquiver le dilemme par un essai de conciliation ou de synthèse. Car toutes deux, la philosophie et les Écritures, proclament qu’une seule chose est nécessaire : une vie de libre recherche pour l’une, une vie d’obéissance et d’amour pour l’autre ; or, l’une est à l’opposé de l’autre. Dans tout essai de conciliation, dans toute synthèse, si remarquable soit-elle, l’un des deux éléments est sacrifié, subtilement peut-être, mais à coup sûr : la philosophie, qui entend être souveraine, doit devenir la servante de la révélation ou vice-versa. Léo Strauss, Droit naturel et histoire (1953)
Texte 2 – Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis. La première fois, ce fut lorsqu’elle a montré que la terre, loin d’être le centre de l’univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique, lorsqu’elle a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s’est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch. Darwin, de Wallace et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais c’est à eux que semble échoir la mission d’étendre cette manière de voir avec le plus d’ardeur et de produire à son appui des matériaux empruntés à l’expérience et accessibles à tous. D’où la levée générale de boucliers contre notre science, l’oubli de toutes les règles de politesse académique, le déchaînement d’une opposition qui secoue toutes les entraves d’une logique impartiale. Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse (1916).
Texte 3 – La théorie de Darwin fut pour la théologie un coup aussi dur que celle de Copernic. Non seulement il devenait nécessaire d’abandonner la fixité des espèces, et les nombreux actes de création distincts que la Genèse paraissait affirmer; non seulement il devenait nécessaire d’admettre, depuis l’origine de la vie, un laps de temps bouleversant pour les tenant de l’orthodoxie; non seulement il devenait nécessaire d’abandonner une foule d’arguments en faveur de la bienveillance de la Providence, reposant sur l’adaptation parfaite des animaux à leur milieu, puisque cette adaptation s’expliquait maintenant par l’effet de la sélection naturelle; mais, pis encore, les évolutionnistes osaient affirmer que l’homme descendait d’animaux inférieurs. Les théologiens et les personnes incultes s’emparèrent de cet aspect de la théorie. Le monde s’écria avec horreur : « Darwin prétend que l’homme descend du singe ! » (…) Les théologiens firent observer que les hommes ont des âmes immortelles, tandis que les singes n’en ont pas ; que le Christ était mort pour sauver les hommes et non les singes ; que les hommes ont un sens du bien et du mal qui leur vient de Dieu, tandis que les singes sont guidés uniquement par l’instinct. Si les singes s’étaient transformés en hommes par degrés imperceptibles, à quel moment avaient-ils acquis subitement ces caractères théologiquement importants ? En 1860 (un an après la parution de l’Origine des Espèces), devant la « British Association », l’évêque Wilberforce tonna contre le darwinisme, s’écriant : « Le principe de la sélection naturelle est absolument incompatible avec la parole de Dieu. » Bertrand Russell, Science et religion (1935)
Texte 4 – L’athéisme est un objet philosophique singulier. C’est une croyance, mais négative. Une pensée, mais qui ne se nourrit que du vide de son objet. C’est ce qu’indique suffisamment l’étymologie : ce petit a privatif, devant l’immense théos (dieu)… Être athée, c’est être sans dieu, soit parce qu’on se contente de ne croire en aucun, soit parce qu’on affirme l’inexistence de tous. Dans un monde monothéiste, comme est le nôtre, on pourra en conséquence distinguer deux athéismes différents : ne pas croire en Dieu (athéisme négatif) ou croire que Dieu n’existe pas (athéisme affirmatif, voire militant). Absence d’une croyance, ou croyance en une absence. Absence de Dieu, ou négation de Dieu. Entre ces deux athéismes, on évitera de trop marquer la différence. Ce sont deux courants plutôt que deux fleuves : deux pôles, mais dans un même champ. Tout incroyant, entre les deux, peut ordinairement se situer, hésiter, fluctuer… Il n’en est pas moins athée pour autant. On croit en Dieu ou n’y croit pas : est athée toute personne qui choisit le second terme de l’alternative. Et l’agnostique ? C’est celui qui refuse de choisir. Très proche en cela de ce que j’appelais l’athéisme négatif, mais plus ouvert, c’est sa marque propre, à la possibilité de Dieu. C’est comme un centrisme métaphysique, ou un scepticisme religieux. L’agnostique ne prend pas parti. Il ne tranche pas. Il n’est ni croyant ni incroyant : il laisse le problème en suspens. Il coche la case « sans opinion » du grand sondage métaphysique portant sur l’absolu. Il a pour cela d’excellentes raisons. Dès lors qu’on ne sait pas si Dieu existe (si on le savait, la question ne se poserait plus), pourquoi faudrait-il se prononcer sur son existence ? Pourquoi affirmer ou nier ce qu’on ignore ? L’étymologie, ici encore, est éclairante. Agnôstos, en grec, c’est l’inconnu ou l’inconnaissable. L’agnostique, en matière de religion, c’est celui qui ignore si Dieu existe ou non, et qui s’en tient à cette ignorance. Comment le lui reprocher ? L’humilité semble de son côté. La lucidité aussi. Par exemple dans cette belle formule de Protagoras : « Sur les dieux, je ne puis rien dire, ni qu’ils sont, ni qu’ils ne sont pas. Trop de chose empêchent de le savoir : d’abord l’obscurité de la question, ensuite la brièveté de la vie. » Position respectable, cela va de soi, et qui paraît même de bon sens. Elle renvoie le croyant et l’athée à leur outrance commune : l’un et l’autre en disent plus qu’ils ne savent. Mais cela, qui fait la force de l’agnosticisme, fait aussi sa faiblesse. Si être agnostique, c’était seulement ne pas savoir si Dieu existe, nous devrions tous être agnostiques – puisqu’aucun de nous, sur cette question, ne dispose d’un savoir. L’agnosticisme, en ce sens, serait moins une position philosophique qu’une donnée de la condition humaine. Si vous rencontrez quelqu’un qui vous dit : « Je sais que Dieu n’existe pas », ce n’est pas d’abord un athée ; c’est un imbécile. Disons que c’est un imbécile qui prend son incroyance pour un savoir. Et de même si quelqu’un vous dit : « Je sais que Dieu existe » ; c’est un imbécile qui prend sa foi pour un savoir. La vérité, il faut y insister, c’est que nous ne savons pas. Croyance ou incroyance sont sans preuve, et c’est ce qui les définit : quand on sait, il n’y a plus lieu de croire ou non. André Comte-Sponville , L’esprit de l’athéisme (2006)
Texte 5 – La distance infinie des corps aux esprits figurent la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. Tout l’éclat des grandeurs n’a point de lustre pour les gens qui sont dans la recherche de l’esprit. La grandeur des gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces gens de chair. La grandeur de la sagesse, qui n’est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d’esprit. Ce sont trois ordres différents de genre. […] Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoiqu’il le fût. Il eût été inutile à Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi; mais il y est bien venu avec l’éclat de son ordre. […] Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits; car il connaît tout cela, et soi; et le corps, rien. Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d’un ordre infiniment plus élevé. De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée : cela est impossible, et d’un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n’en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela est impossible et d’un autre ordre, surnaturel. Blaise Pascal, Pensées, 793-308 (1670)
Texte 6 – Nous disons donc : Si l’oeuvre de la philosophie [la science, d’origine grecque, la philosophie à l’époque d’Averroès ne se distingue pas de la science] n’est rien de plus que l’étude réfléchie de l’univers en tant qu’il fait connaître l’Artisan (je veux dire en tant qu’il est oeuvre d’art, car l’univers ne fait connaître l’Artisan que par la connaissance de l’art qu’il révèle, et plus la connaissance de l’art qu’il révèle est parfaite, plus est parfaite la connaissance de l’Artisan), et si la Loi religieuse invite et incite à s’instruire par la considération de l’univers, il est alors évident que l’étude désignée par ce nom, la philosophie, est, de par la Loi religieuse, ou bien obligatoire ou bien méritoire. Averroès (Ibn Rushd), Traité sur l’accord de la religion et de la philosophie (1179).